Yuval Noah Harari : une trilogie de best-sellers
Une trilogie de best-sellers publiée par Yuval Noah Harari fait l’unanimité mondiale pour sa profondeur analytique du passé, présent et futur de l’humanité. Ce billet n’est qu’une tentative de voir par le petit bout de la lorgnette ces 3 ouvrages chargés de sens et de paradoxes existentiels que l’auteur décrit dans un style accessible et réaliste qui dévoile à bien des égards notre ignorance inquiétante de paradigmes qui pourtant sont au coeur de notre quotidien.
Est-il d’abord nécessaire de rappeler les best-sellers de Yuval Noah Harari : « Sapiens, une brèves histories de l’humanité » (2011), « Homo Deus : une brève histoire du futur » (2015) et « 21 leçons pour le XXIe siècle » (2018). Ces 3 ouvrages constituent un mouvement réflexif (cogito) au fil duquel l’auteur questionne des phénomènes essentiels de la société humaine.
« Sapiens : une brève histoire de l’humanité »(2011)
L’ouvrage publié en 2011 est une vaste fresque qui brosse l’histoire de l’homme du néolithique jusqu’à Google. L’ouvrage « retrace l’histoire de notre espèce en adoptant une perspective totalement inédite. L’idée centrale dans le premier ouvrage distingue les sapiens des autres espèces en les érigeant comme créateurs de mythes. Par l’imagination et le langage, ils créent et communiquent de nouveaux mondes, des alternatives et de nouvelles possibilités. L’importance des mythes partagés est qu’ils permettent à Sapiens de coopérer, de s’organiser à grande échelle et de dominer le monde. Sans mythes, il n’y a pas de liens entre Sapiens. Au niveau individuel, les humains peuvent être des créateurs de mémoire, mais en tant qu’espèce, ils sont des créateurs de mythes. La mutation génétique qui a permis aux pouvoirs cognitifs de la parole et de l’imagination d’émerger il y a environ 70 000 ans est ce que Harari appelle la révolution cognitive. Dans cette révolution cognitive, Harari explique commente plusieurs phénomènes sociaux : comment la monnaie est devenue le plus universel des moyens d’échange, basé sur une confiance mutuelle, jamais imaginé ; comment de toutes les religions jamais inventées, le capitalisme est celui qui a fait le plus d’adeptes ; comment le traitement réservé aux animaux par l’agriculture moderne est probablement le crime le plus barbare de toute l’histoire; et comment, même si nous sommes infiniment plus puissants que nos lointains ancêtres, nous n’en sommes pas pour autant plus heureux.
« Homo Deus : une brève histoire de l’avenir » (2015)
Dans cet ouvrage publié en 2015, Yuval Noah Harari se tourne vers le passé pour prédire l’avenir en extrapolant à partir de 70 000 ans d’histoire humaine dans une tendance épique avec des prédictions sombres, dystopiques et inquiétantes. Parmi ces prédictions qui ont retenu notre attention : L’Homo Sapiens (humains sages) évolue en Homo Deus (dieu humain) avec une maîtrise quasi divine sur notre environnement et la capacité de créer (et de détruire) la vie. Les problèmes de survie humaine (pandémies, famine et violence) étant résolus, les êtres humains se concentreront de plus en plus sur la poursuite de l’immortalité et du bonheur. Le coût de la mise à niveau de la condition humaine sera coûteux et réservé à une petite élite. Contrairement au prolétariat d’antan, la nouvelle « classe inutile » ne sera même pas en mesure de vendre son travail. La religion dominante du début du 21ème siècle – l’humanisme – sera érodé par les progrès de la science et de la technologie.
Harari fait de la technologie une arme redoutable qui transformera le monde. Dans leur quête d’immortalité et de bonheur, les humains se tourneront vers la technologie pour se perfectionner par le biais de l’ingénierie biologique (génétique), de l’ingénierie cyborg (bionique) et de l’ingénierie informatique (IA). Le grand découplage de la sensibilité (notre capacité de ressentir) et de la sapience (notre capacité de raisonnement) aboutira à une technologie d’intelligence artificielle plus intelligente et plus intelligente que l’homme. Tout comme l’IA comprend que l’homme est un ensemble d’algorithmes (formules) permettant de prévoir et d’expliquer le comportement, les individus ne seront plus considérés comme des êtres irréductibles et indivisibles. La religion de l’humanisme sera remplacée par une nouvelle religion appelée « dataïsme », alors que nous remplaçons une vision du monde homocentrique au profit d’une vision du monde centrée sur les données. Si l’humanité est effectivement un système informatique unique, nous aurons pour résultat la création d’un nouveau système informatique encore plus efficace, appelé Internet de TOUS les objets. La prochaine étape de l’évolution verra finalement les humains se transformer en informations pures à partir de simiens semi-évolués et se libérer ainsi de leurs chaînes biologiques à base de carbone.
« 21 leçons pour le XXIe siècle » (2018)
Ce livre publié en 2018 constitue un épilogue (du moins pour l’instant) du fluide philosophique par lequel Harari a conquis les grands de ce monde par ses analyses et prédictions sur les conditions humaines. Il structure ce dernier livre en cinq parties dédiées aux défis technologiques, aux défis politiques, au désespoir et à l’espoir, à la vérité et à la résilience. Il a déclaré avant la publication de son livre : « Mon nouveau livre visera à répondre à la question fondamentale : que se passe-t-il dans le monde aujourd’hui, quel est le sens profond de ces événements et comment pouvons-nous nous y diriger individuellement ? Les questions que je cherche à explorer porteront notamment sur la signification de l’élection de Trump, si Dieu est de retour ou non, et si le nationalisme peut aider à résoudre des problèmes comme le réchauffement climatique ».
Le livre est donc venu transcender le fouillis d’informations et le monde en ligne du numérique en abordant les questions les plus urgentes de l’agenda mondial actuel. Harari y souligne entre autres que « les humains pensent plus dans les histoires que dans les faits, les chiffres ou les équations ». Il explique pourquoi les histoires communistes, fascistes et libérales du XXe siècle étaient si puissantes. Si le XXème siècle était constitué de ces trois systèmes politiques, le 21ème siècle, lui, a permis d’introduire de nouvelles classes, celle des humains, des surhumains et de l’intelligence artificielle. À mesure que celle-ci devient plus sophistiquée, elle créera des classes d’humains et des surhumains augmentés par la technologie. Bien que l’histoire libérale soit de plus en plus réprimée aujourd’hui, Harari a déclaré qu’au bout du compte, l’humanité n’abandonnerait pas l’histoire libérale, car elle n’a pas encore d’alternative viable.
À une question clé très ancrée dans le débat transhumaniste, il souligne que « Nous sommes en effet aujourd’hui à la confluence de deux immenses révolutions. D’un côté, les biologistes déchiffrent les mystères du corps humain et, en particulier, du cerveau et des sentiments ; En même temps, les informaticiens nous procurent un pouvoir de traitement des données sans précédents. La fusion de la révolution biotech et de la révolution infotech produira des algorithmes Big Data capables de surveiller et de comprendre mes sentiments mieux que moi, et l’autorité glissera alors probablement des hommes aux ordinateurs » (p. 67). Il souligne à ce propos que mieux nous comprendrons les mécanismes biochimiques qui sous-tendent les émotions, les désirs et les choix humains, plus nous comprendrons comment les ordinateurs peuvent mieux analyser le comportement humain, prédire les décisions humaines et remplacer les professions humaines telles que les banquiers et les avocats. « Après tout, les émotions ne sont pas un phénomène mystique, mais le résultat d’un processus biochimique » écrit-il (p. 43). Plutôt que de remplacer entièrement les êtres humains, l’IA pourrait en réalité contribuer à créer de nouveaux emplois humains. D’ici 2050, non seulement l’idée d’un travail à vie, mais même l’idée d’un métier à vie peut sembler antédiluvienne.
… et beaucoup plus de données chargées de prédictions, d’assertions, de paradoxes, de constats et de questionnements qui ne laissent aucun doute que rien ne vaut une immersion passionnée dans le texte de ces ouvrages pour en savourer la teneur intellectuelle.