Recheche scientifique Normalisation et numérique

Normes technologiques dans les systèmes d’information et de communication numériques pour l’éducation

L’un des défis du chantier normatif international aujourd’hui est sans doute l’harmonisation des modèles opératoires des réseaux  numériques d’information et de communication. Trois aspects de l’interopérabilité des systèmes sont souvent étudiés : aspect organisationnel, aspect technologique et aspect sémantique. L’intérêt porté pour les normes d’interopérabilité s’oriente particulièrement vers l’interopérabilité sémantique des contenus. Les métamodèles de métadonnées, les schémas et les profils d’application comme Dublin Core (norme ISO 15836), le LOM (standard IEEE 1484.12.1-2002), la norme MLR (ISO 17778) constituent des initiatives internationales profitant à l’environnement du Web et à celui du monde de l’éducation. Cependant, les exigences de la contextualisation de ces référentiels obligent encore le recours à des profils d’application adaptés aux spécifications locales, diversifiant ainsi les versions en cours d’usage et réduisant en conséquence leur degré d’interopérabilité. L’exemple des profils d’application du LOM (LOM.fr, SupLOM.fr, ScoLOM.fr) constituent une matière d’analyse dans une partie des travaux publiés.

Par la synergie d’une adhésion internationale aux solutions normatives, tant bien dans le domaine du numérique que celui des télécommunications, le monde converge vers ce qui est appelé « Le tout numérique », un concept né avec l’informatique des origines qui n’acceptait, jusqu’aux années 1970, de traiter que des données codées et formelles (en majorité des calculs). L’ère du numérique s’est ensuite progressivement appropriée les modalités perceptivo-communicationnelles et de médiation pour engendrer une migration vers des systèmes d’information et de communication de plus en plus décentralisés, fédérant de manière de plus en plus transparente, toutes les options et les solutions technologiques que la révolution du numérique met à notre disposition. C’est le principe de « la convergence ». C’est aussi le début de l’abandon définitif du ‘Broadcast’ analogique et l’émergence du concept du « tout numérique » qui devient de plus en plus une réalité concrète dans des domaines comme l’audiovisuel et les mass-médias. Or, les systèmes d’information et de communication des réseaux scientifiques et de recherche ne sont pas encore à ce stade d’optimisation. La question de l’interopérabilité des systèmes de métadonnées et des standards adoptés au niveau internationale pour le référencement des ressources en ligne constitue toujours un chantier inachevé.

Sous cet axe, et en collaboration avec un groupe d’enseignant-chercheurs, nous avons mené plusieurs projets de recherche et publié plusieurs documents qui convergent vers la confirmation des normes MPEG comme une alternative très sérieuse pour un cadre de métadonnées (metadata framework) normalisées pour l’enseignement à distance et le e-procurment. Nous avons abordé la question fondamentale des potentialités des normes MPEG pour servir de cadre de référence pour un modèle de métadonnées pédagogiques qui coopèrerait ou remplacerait le modèle très emblématique et très répandu d’IMS. Ces questions ont été largement débattues au sein du SC36. Elles se prolongent dans nos recherches sous d’autres formes qui évoluent parallèlement au contexte international du numérique éducatif.

 

Traitement automatique des langues : normes d’encodage numérique

Ce thème couvre les différentes facettes du traitement automatisé des langues depuis le codage multilingue normalisé aux interfaces homme-machine en passant par les questions de contenus numériques et leurs modes d’organisation, représentation et référencement par les métadonnées multilingues sur les réseaux. Les normes ISO de codage des caractères (ISO 646, ISO 8859, Unicode & ISO 10646), des modèles et schémas de métadonnées et des profils d’application pour les ressources pédagogiques (e.g. LOM) ont fait l’objet de plusieurs de nos publications. Des problématiques spécifiques ont été traitées à l’instar des algorithmes de bidirectionnalité dans les interfaces de communication Homme-Machine multilingues, la localisation (L10n) et l’internationalisation (I18n) des applications informatiques, l’internationalisation des URI etc. Ces questions du multilinguisme numérique ont resurgi plus tard dans les recherches sur les thèmes de la sémantique des contenus, des réseaux terminologiques multilingues, et de l’interopérabilité par les normes et les standards technologiques.

 

Les Humanités numériques / digitales

La mondialisation numérique confronte tous les acteurs académiques à de nouvelles modalités d’échanges, de nouveaux habitus qu’il est urgent de préserver dans tous les domaines, les sciences exactes et expérimentales mais aussi les sciences humaines et la culture qui conditionnent l’identité même des citoyens partout dans le monde. La collégialité mondiale des Humanités digitales est assurée en théorie (ADHO, Alliance of Digital Humanities Organizations ; OCLC, Online Computer Library Center), mais à l’évidence cette attention aux enjeux des patrimoines numériques a été perçue d’abord dans la communauté anglophone du nord qui bénéficie de ce fait d’une avance d’appropriation certaine.

L’intérêt porté aux Humanités digitales comme un axe de recherche à la fois théorique et pratique vise à mieux connaître, et par là tirer une pratique d’action, en analysant les difficultés et les désirs d’appropriation de cette nouvelle collégialité numérique dans un contexte linguistique et patrimonial beaucoup plus complexe et ancien que le contexte anglophone nord-américain, là où est née cette modernité des Humanités digitales. Les études d’appropriation des médias sont anciennes, mais le nouveau contexte de convergence mondiale tant multimédia que réseautique et normative impose de multiplier les études pour comprendre ces nouveaux phénomènes. En se limitant strictement à l’étude de la communication linguistique (orale ou écrite) savante, l’intérêt porté à cet axe focalise l’étude sur des habitus plus codifiés et attendus, ce qui sécurise la faisabilité méthodologique. On est certain cependant que l’on devra évaluer et tenir compte du delta d’un débat ancien/moderne dans l’acceptation des nouveaux paradigmes du numérique dans les habitus des SHS et des sciences exactes, toutes concernées par la montée inéluctable de l’interdisciplinarité.

La communauté francophone se mobilise actuellement de plus en plus sur l’importante question des Humanités digitales. Cependant, les enjeux de préservation et de mise en valeur académiques des patrimoines culturels et littéraires méditerranéens sont multiples et le Maghreb en est un des piliers fondateurs. Sa polyglossie et son multilinguisme (français, arabe littéraire mais aussi dialectal, langues et parlers berbères), constituent une des facettes complexes de ses patrimoines. À cela s’ajoutent les anciennes strates libyques, romaines, hébraïques.

L’orientation spécifique mise en évidence sous cet axe s’attache au travail littéraire et linguistique sur des corpus multilingues, tant oraux qu’écrits. Le projet HumanitéDigitMaghreb financé par l’ISCC/CNRS et hébergé par le MICA EA-4426 (Université Bordeaux Montaigne) constitue pour l’instant le coeur de ces préoccupations de recherche. Mais dans de tels projets, l’approche interdisciplinaire et multilingue se valorise à plusieurs niveaux :

  • D’abord, de par son fondement interdisciplinaire, les Humanités digitales participent au « vivre ensemble » de communautés savantes en SHS. Elles disposent pour cela de référentiels qui consacrent le principe de l’échange et de la collaboration entre des disciplines du même domaine ;
  • Le modèle interdisciplinaire des Humanités digitales se valorise ensuite par le dialogue créé entre les sciences humaines et les sciences exactes à travers des référentiels normatifs interopérables. La mise en place de modèles convergents de schémas de métadonnées dans des disciplines diverses renforce l’intercompréhension et l’échange entre les communautés savantes ;
  • Pour ces raisons, le projet est une recherche-action qui vise à observer en termes d’épistémologie comparée, mais aussi en s’appuyant sur des théories de l’action. Le projet devra de ce fait établir un équilibre des acquis théoriques et des résultats sur des enjeux pratiques d’appropriation collégiale des usages savants du numérique ;
  • On en tirera des enseignements divers en matière de sciences de l’éducation, en recherche littéraire et culturelle, en linguistique (multilinguisme, approche linguistique locale, etc.…) ;
  • On en tirera aussi des enseignements en terme de science de l’information et de la communication pour ce qui est des usages savants du numérique et de leur appropriation comparée tant au Nord qu’au Sud.

 

Terminologie et réseaux sémantiques

Cet axe constitue une évolution naturelle de l’intérêt accordé aux métadonnées comme composante clé des systèmes d’information numériques. Les métadonnées nécessitent de plus en plus de traitements sémantiques appropriés pour traduire les sens des valeurs descriptives sans ambiguïté ni confusion. Des outils de traitement sémantique comme les vocabulaires contrôlés et les ontologies spécialisées sont désormais très en vogue dans des disciplines phares comme la médecine ou l’agriculture. Développer une terminologie propre conduirait à un renforcement de l’interopérabilité dans les processus d’échange et de mutualisation des ressources. Une conséquence naturelle à cette perspective est sans doute l’appui considérable à la construction d’agrégations de contenus et de réservoirs de données interchangeables et interopérables. La terminologie normalisée est, de ce fait, l’un des fondements de ce qui se développe comme contenus et services sur les réseaux sémantiques. L’intérêt porté à cet axe terminologique est construit à partir du référentiel ISO du comité technique 37 et tout particulièrement de la norme TMF (Terminological Markup Framework) et de la norme ISO 11179 pour la constitution des registres terminologiques normalisés.

 

Normes et standards technologiques de l’enseignement à distance

Dans le domaine de l’éducation, grâce à des spécifications comme AICC, IMS et SCORM, les agrégations de contenus sont largement interchangeables entre plates-formes pédagogiques et facilement réutilisables selon des scénarios de construction et de déconstruction adaptés aux parcours, aux individus et aux groupes. Les schémas de métadonnées et les vocabulaires contrôlés pour la description des ressources pédagogiques gagneraient encore à être renforcées pour développer de réservoirs de ressources éducatives numériques (REN) interopérables, semblables aux réservoirs des archives ouvertes. Le monde de l’e-Learning fait l’objet d’une couverture assez large et varié dans nos publications. Eu égard à une participation active de terrain (tutorat dans des programmes francophones des Masters en ligne), nos orientations se sont focalisées sur les plates-formes d’enseignement à distance, les stratégies de déploiement de dispositifs e-Learning en milieux universitaire, les sujets de construction normalisée d’objets d’apprentissage et de l’interopérabilité des agrégations de contenus. D’autre part, dans le cadre des travaux de la délégation de l’Agence universitaire de la francophonie (AUF) auprès du Sous comité 36 du JTC1 à l’ISO (ISO/IEC JTC1 SC36), l’intérêt pour les normes e-Learning nous a ouvert une nouvelle piste de recherche qui représente, depuis lors, la majeure concentration des efforts de recherche effectuée.