La transition numérique universitaire

La transition numérique, appelée aussi transformation numérique ou digitale ou e-transformation, est le phénomène de transmutation engendré par l’essor mondial du numérique et du réseau Internet et son impact sur tous les secteurs de l’activité humaine.

Au fait, les termes « transition » et « transformation » sont utilisés en alternance même si sémantiquement, on peut bien y voir des nuances : une transformation a normalement lieu sur quelque chose d’existant alors que la transition est plutôt le passage d’un état premier à un état second complètement différent. A cet égard, la transition numérique pourrait bien s’appliquer à des contextes qui connaissent une mutation numérique originale alors que la transformation pourrait s’appliquer à des contextes ayant déjà connu une transmutation numérique mais qui tend vers l’optimisation et la sophistication. Du coup, on pourrait spéculer sur le fait que « Transition » s’applique plus à des pays émergents qui, sous l’effet de la Covid-19, par exemple, optent pour une stratégie de « transition » en introduisant les TIC dans un milieu où il n’y en avait pas, ou pas grand chose, alors que « Transformation » s’appliquerait de façon plus appropriée aux pays développés qui, pour les mêmes raisons, optent pour une amélioration de leurs systèmes et dispositifs numériques existants afin de  combler des lacunes et des dysfonctionnements ou simplement pour monter en puissance de leurs dispositifs en fonction.

Outre ces nuances terminologiques et sémantiques, la transformation ou la transition numérique demeure un phénomène transversal qui touche tous les secteurs de la société humaine contemporaine incluant l’univers de l’éducation et des systèmes éducatifs.

La transition numérique universitaire

De nombreux établissements universitaires s’inscrivent désormais dans le courant de la transformation numérique pour plusieurs raisons. Outre le mobile classique de conserver un avantage concurrentiel, les universités sont tout simplement confrontées à un public universitaire composé de jeunes étudiants qui disposent d’un choix considérable d’options pour accéder au savoir. Les établissements universitaires doivent dès lors garder un même rythme d’évolution que leurs publics pour rester attractifs, abordables et accessibles et répondre ainsi aux pressions croissantes du marché de l’emploi en quête de nouvelles compétences et d’innovation.

La transformation numérique offre ainsi aux établissements universitaires une opportunité quasiment forcée mais fort intéressante pour justifier un investissement dans l’innovation et l’ouverture sur son milieu socio-professionnel. Or, cette démarche n’est pas des plus simples à concevoir et mettre en œuvre. Elle nécessite une planification stratégique relativement complexe pour associer au moins quatre volets stratégiques à savoir le cadre juridique et réglementaire de cette transformation, son modèle économique, un nouveau socle technologique et une adaptation pédagogique à l’enseignement hybride et à distance. Chacun de ces aspects est porteur d’enjeux et de défis non négligeables. De nombreux établissements universitaires se sont essayés à cette transformation mais qi ont échoué dans leurs initiatives pour plusieurs raisons, entraînant une augmentation de leurs dépenses technologiques, avec peu de retour sur investissement.

Polarités d'action TransitionSource : PilotSystem, 2021

La transition numérique universitaire par le prisme de la Covid-19

Les effets de la crise Covid-19 ont impliqué une transformation radicale de l’éducation et de la formation à l’échelle mondiale. L’un des secteurs qui ont subi une transformation numérique spectaculaire est sans doute l’enseignement supérieur. La fermeture soudaine et forcée des établissements pendant les périodes de confinement a conduit les enseignants et les étudiants sur un « terrain inconnu » en raison de la nécessité de s’adapter rapidement à l’ensemble des paramètres d’apprentissage en ligne pour assurer la continuité pédagogique. Ce changement soudain a obligé les universités à évoluer très rapidement et massivement vers l’enseignement à distance en mettant en œuvre et en adaptant les ressources technologiques disponibles et en impliquant des enseignants qui manquent souvent de capacités technologiques avérées pour s’approprier rapidement ces nouvelles formes d’enseignement virtuel ou hybride.

Au fait, la crise de la Covid-19 a été un moment à double effet pour les universités. Alors qu’elle a permis de mettre à découvert des défaillances longuement négligés dans les systèmes de gouvernance des universités, elle a eu le mérite de mettre ces institutions universitaires devant de vrais enjeux et défis auxquels il fallait prendre des mesures en urgence. Frappés par surprise, les établissements universitaires n’ont pas eu les mêmes taux de réussite pour assurer ce qui a été communément appelé « la continuité pédagogique ».

En tout état de cause, le passage de la crise Covid-19 a créé un nouvel ordre mondial universitaire en obligeant les universités à se renouveler, quoique de manière perturbée et inégalée. La pandémie de la Covid-19 a transformé les façons de travailler, de vivre et d’interagir les uns avec les autres au niveau local et mondial, de manière soudaine et spectaculaire. Les établissements d’enseignement supérieur l’ont subi avec des transformations radicales souvent contraignantes mais avec la même motivation de pouvoir numériser en un temps records les processus d’enseignement et d’apprentissage avec un corps enseignant qui manque souvent de capacités technologiques appropriées pour faire de l’enseignement hybride ou en ligne. Le défi aujourd’hui est de faire face à certains de ces obstacles et défis majeurs auxquels les universités sont confrontées, ainsi que les ressources technologiques et les méthodologies qu’elles sont censées moderniser dans l’optique d’une transformation numérique de l’enseignement supérieur amenée dans les plis de la Covid-19.

En définitive, le système universitaire est désormais devant l’obligation de fournir une éducation de qualité dans un scénario de transformation numérique, d’innovation technologique, de rupture et de changement accéléré du cadre éducatif. L’émergence de l’innovation et de la rupture est une période de risque et d’incertitude, mais c’est aussi une période d’opportunités, apportant talent et innovation au système éducatif. L’université Bordeaux Montaigne est l’une des universités modèles en France qui s’est équipée de nouvelles technologies pour appuyer da transition numérique avec le soutien de la Région Nouvelle Aquitaine pour l’accélération de la transition numérique avec un budget à hauteur de 1,4 millions d’euros. La question reste si les mêmes opportunités sont données de façon égalitaire à tous les établissements universitaires dans le monde ? La réponse est évidente. Les écarts des moyens entre pays développés et pays en développement fait ici toute la différence.

La transformation numérique dans les pays émergents

Généralement, les économies en développement diffèrent dans la plupart des attributs clés nécessaires pour stimuler le processus de la transition numérique. Compte tenu des importants écarts aussi bien démographiques, qu’économiques, de connectivité et d’exigences entre les économies, les gouvernements des pays en développement sont obligés de poursuivre une approche spécifique pour assurer le développement d’économies numériques adéquates.

Selon une étude de l’Unesco publiée en 2020, il n’y a jamais eu d’occasion comme celle de laCovid-19 pour soulever la question de l’éducation et de la connectivité scolaire dans les pays émergents, qui plus est, l’importance de la connectivité dans son ensemble et partout : à l’école et à la maison. La connectivité scolaire, selon cette étude, doit être abordée avec une approche globale qui tient compte non seulement de l’infrastructure, de l’abordabilité, de la réglementation et des technologies, mais aussi de la composante humaine, qui comprend la suppression des barrières numériques et de l’alphabétisation, la présence de contenus localisés et significatifs, la mesure de l’impact sur les résultats d’apprentissage et le renforcement des capacités et du rôle des enseignants. Les établissements scolaires doivent continuer à être les cellules névralgiques qu’elles sont pour les sociétés et les économies ; un lieu physique où tous les jeunes se rassemblent pour apprendre, grandir en bonne santé et échapper à la violence, aux abus et aux fardeaux socio-économiques[1].

Les gouvernements des pays émergents ont un défi important à relever pour favoriser l’acceptation des nouvelles technologies et la facilité d’adoption du numérique par les populations et les entreprises. Certaines des actions recommandées sont la dynamisation de l’acceptation numérique avec des politiques publiques numériques holistiques, la mesure de l’impact numérique dans les économies et la promotion des infrastructures de télécommunications numériques, la redéfinition du cadre réglementaire et des institutions traditionnels, la promotion de la pénétration numérique et bancaire et la compréhension des implications de chaque nouveau modèle commercial dans afin de réagir rapidement.

Dans ce domaine, l’Agence universitaire de la Francophonie, comme acteur universitaire regroupant plus de 1000 établissements universitaires dans le monde, fait de la transition numérique universitaire un axe stratégique important dans sa nouvelle stratégie pour 2021-2025[2]. Dans son livre blanc de la Francophonie scientifique l’AUF souligne l’évidente prédisposition à la transformation numérique des institutions concernées, et particulièrement au niveau de l’administration, considérée comme un vecteur de bonne gouvernance et de performance. « Cela fait déjà un moment depuis que nous nous sommes proposés de digitaliser davantage les processus. Une prédisposition qui a été de toute évidence « confortée » par la crise sanitaire. Ce besoin touche aussi bien la gestion académique (échanges avec les étudiants, remise d’attestations, signatures électroniques, organisation des examens à distance, gestion de la mobilité des étudiants, tant en interne qu’à l’international…) que la conception et le déploiement d’une stratégie de télétravail administratif.

Slideshare Transition Numérique

Source : Ben Henda « Webinaires francophones : transition numérique« 

Lectures supplémentaires :

  • Corbière, F. de, Godé, C., & Pallud, J. (2019). Contributions sur la transformation numérique. Systèmes d’information management, 24(2), 3‑
  • Gravelle, F., Frigon, N., & Monette, J. (2021). Transformation numérique de l’établissement d’enseignement : Partage de pratiques professionnelles. PUQ.
  • NXO, F. (s. d.). Transformation numérique écoles et universités, enseignement digital. NXO France. Consulté 1 mars 2022, à l’adresse https://www.nxo.eu/secteurs/education/
  • Petitdemange, A. (2021, décembre 11). Dix-sept projets pour accélérer la transition numérique dans le supérieur. https://www.letudiant.fr/educpros/actualite/ces-17-projets-veulent-accelerer-la-transition-numerique-dans-le-superieur.html
  • Samson, G., & Lafleur, F. (2021). Formation à distance dans les pays émergents : Perspectives et défis. PUQ.
  • Savy, R. (2020, novembre 12). La transformation numérique de l’enseignement supérieur à l’ère de la Covid-19. https://www.journaldunet.com/solutions/analytics/1495189-la-transformation-numerique-de-l-enseignement-superieur-a-l-ere-de-la-covid-19/
  • (2021, mai 4). Universités et transformation numérique : Quelles avancées en 2021 ? Simone et les Robots. https://www.simoneetlesrobots.com/universites-et-transformation-numerique-quelles-avancees-en-2021/

Notes

[1] UNESCO. “The DigitalTransformation of Education:Connecting Schools,Empowering Learners” September 2020

[2] AUF, « Livre blanc de la francophonie scientifique », 2021

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