Intelligence artificielle, est-on déjà à l’ère du Cyborg ?
L’intelligence artificielle, ou IA, combine plusieurs technologies qui stimulent les processus cognitifs humains. Son but est de faire faire par les machines des tâches que l’Homme accomplit en utilisant son intelligence. L’IA intervient dans des domaines très divers comme la reconnaissance vocale, la traduction automatique, la robotique, les jeux vidéo. De nombreux outils, logiciels et gadgets numériques en sont déjà le produit. Avec une robotique en évolution, sommes-nous prêts pour l’ère de l’homme symbiotique et du Cyborg ?
Le terme Intelligence Artificielle (IA) a été inventé en 1956 par John McCarthy, un informaticien américain lors de la conférence de Dartmouth où la discipline est née. Aujourd’hui, c’est un terme général qui englobe tout, depuis la reconnaissance de la parole, de l’écriture et des visage ou les jeux vidéo et les agents conversationnels, jusqu’à la domotique et l’automatisation des processus robotiques. Il a récemment pris davantage d’importance en raison du grand volume de données sur les réseaux.
L’IA est la simulation des processus de l’intelligence humaine par des machines, en particulier des systèmes informatiques, qui peuvent désormais effectuer des tâches à valeurs ajoutées telles que l’identification des modèles de clients et des tendances de consommation dans les données de vente des entreprises. Le Dictionnaire Larousse définit l’IA comme un « ensemble de théories et de techniques mises en œuvre en vue de réaliser des machines capables de simuler l’intelligence humaine ». Ces techniques comprennent l’apprentissage (l’acquisition d’informations et de règles pour l’utilisation de l’information), le raisonnement (en utilisant les règles pour arriver à des conclusions approximatives ou finales) et l’autocorrection (effectuer à des degrés variés, l’analyse du système afin d’y repérer des erreurs, et d’offrir des alternatives de remplacement).
Les approches informatiques de l’intelligence artificielle
A l’origine, l’IA est du ressort du domaine de l’informatique où elle a connu trois phases d’évolution, d’abord à base d’algorithmes, puis à base de systèmes experts et enfin à base de réseaux neuroneaux.
A titre de rappel, la notion d’algorithme est aujourd’hui liée à celle d’ordinateur (cf. billet de décembre 2017). Il se compose d’une « suite finie de règles à appliquer dans un ordre déterminé à un nombre fini de données pour arriver avec certitude en un nombre fini d’étapes à un certain résultat » (1). Il existe des algorithmes de jeux, de recherche d’un chemin, d’optimisation … Les algorithmes se sont développés avec les ordinateurs et la nécessité d’automatiser les calculs. Un programme est un algorithme écrit dans un langage digeste pour l’ordinateur.
Rappelons aussi que les systèmes experts sont plus intelligents que les algorithmes dans le sens où ils sont capables de reproduire les mécanismes cognitifs d’un expert humain, dans un domaine particulier. Il s’agit de l’une des voies tentant d’aboutir à l’intelligence artificielle. Un système expert peut se décomposer en deux composantes principales : la base de connaissances et le moteur d’inférence dont le rôle est de raisonner à partir des données contenues dans la base de connaissances.
Source : http://fullpix.free.fr/site/approches_techniques.html
Aujourd’hui, on est plus dans les systèmes neuronaux. « L’idée principale de l’approche neuronique de l’intelligence artificielle est de modéliser l’entité de base du cerveau humain, c’est-à-dire le neurone, et d’en assembler plusieurs afin de se rapprocher du raisonnement humain. On construit alors un réseau constitué de plusieurs couches de neurones, dont le nombre est déterminé par la complexité du problème à résoudre. Par exemple, pour des problèmes linéaires, donc simples, une à deux couches suffisent et la résolution du problème est très rapide ».
Source : Robots maker
Types d’intelligence artificielle
L’IA peut également être classée selon plusieurs types de critères. Laurent Alexandre (1), chirurgien-urologue, essayiste et entrepreneur français s’intéressant au mouvement transhumaniste, répertorie l’Intelligence artificielle en quatre générations :
– Première génération située entre 1960 et 2010 repose sur des programmes traditionnels avec des algorithmes qui se programment manuellement. C’est ce qu’on qualifie d’IA faible.
– La deuxième génération, qui a débuté vers 012, correspond à l’ère du Deep Learning avec les premiers programmes dépassant l’Homme, par exemple en reconnaissance visuelle. Le Deep Learning, pour Laurent Alexandre, s’éduque plus qu’il ne se programme. Mais cette IA ne peut effectuer que des taches bien spécifiques.
– La troisième génération vient juste d’émerger et ne sera disponible que vers 2030.
– La quatrième génération sera fondée sur une conscience artificielle. Ce sera une IA forte capable reproduire un comportement intelligent, d’éprouver une réelle conscience de soi, des sentiments, et une compréhension de ses propres raisonnement (Alexandre, 2018, p27-28)
Cette classification de l’IA recoupe celle d’Arend Hintze, professeur adjoint d’intégration de l’ingénierie et de l’informatique à la biologie de l’Université Michigan State, qui définit quatre types d’IA entre des systèmes d’IA existant et des systèmes sensoriels qui existeront dans l’avenir. Les catégories qu’il définit sont les suivantes :
• Type 1 : Machines réactives. Un exemple est Deep Blue, le programme d’échecs IBM qui a battu Garry Kasparov dans les années nonante. Deep Blue permet d’identifier les pièces sur l’échiquier et faire des prédictions, mais n’a pas de mémoire et ne peut pas utiliser l’expérience passée pour informer l’avenir. Analysez les mouvements possibles – les vôtres et ceux de votre adversaire – et choisissez le mouvement le plus stratégique. Deep Blue et AlphaGO de Google ont été conçus à des fins étroites et ne peuvent pas être facilement appliqués à d’autres situations.
• Type 2 : mémoire limitée. Ces systèmes d’IA peuvent utiliser les expériences passées pour éclairer les décisions futures. Certaines fonctions de prise de décision dans les véhicules autonomes ont été conçues de cette manière. Les observations sont utilisées pour informer les actions qui se produisent dans un avenir pas si lointain, comme une voiture qui a changé de voie. Ces observations ne sont pas stockées en permanence.
• Type 3 : Théorie de l’esprit. C’est un terme psychologique. Il se réfère à la compréhension que les autres ont leurs propres croyances, désirs et intentions qui affectent les décisions qu’ils prennent. Ce type d’IA n’existe pas encore.
• Type 4 : Connaissance de soi. Dans cette catégorie, les systèmes d’IA ont un sens d’eux-mêmes, ils ont une conscience. Les machines auto-conscientes comprennent leur état actuel et peuvent utiliser l’information pour déduire ce que les autres ressentent. Ce type d’IA n’existe pas encore.
Pour résumer, une IA faible, également connu sous le nom d’IA étroite, est un système conçu et entraîné pour une tâche particulière, donc démunie d’initiatives et de conscience propre. Des assistants personnels virtuels, tels que Siri d’Apple (2), sont une forme faible de l’IA. En revanche, une intelligence artificielle forte, également connue sous le nom d’intelligence générale artificielle, est un système d’intelligence artificielle avec des capacités cognitives humaines généralisées, de sorte que lorsque ce système est confronté à une tâche inconnue, il a suffisamment d’intelligence pour trouver une solution. C’est à l’image du célèbre test de Turing, développé par le mathématicien britannique Alan Turing en 1950, qui, bien qu’ultérieurement controversé, constitue une méthode utilisée pour déterminer si un ordinateur peut vraiment penser comme un humain.
Le Cyborg : chimère ou évidence ?
Le terme cyborg (contraction de Cybernétique et Organisme) est proposé pour la première fois en 1960 par Manfred Clynes et Nathan Kline dans leur article « Cyborgs and Space » (3) dans lequel ils ont décrit une expérience sur un rat de laboratoire. L’idée de l’expérience était d’inventer un système artificiel qui pourrait adapter un être vivant aux conditions de vie dans un espace donné. Le terme est souvent appliqué à un organisme qui a des capacités améliorées induites par la technologie. De ce fait, la définition la plus stricte de Cyborg est presque toujours considérée comme une augmentation ou une amélioration des capacités « normales ». D’autre part, alors que les cyborgs sont généralement considérés comme des « êtres semi-vivants » (mammifères), ils peuvent également être n’importe quel type d’organisme vivant ou non. Le terme « Organisme cybernétique » a été d’ailleurs appliqué à des réseaux, tels que les systèmes routiers, des entreprises, etc. démontrant des capacités d’intelligence systémique « hors du commun ». Le terme peut également s’appliquer aux micro-organismes qui sont modifiés pour fonctionner à des niveaux plus élevés que leurs équivalents non-modifiés.
Le concept de Cyborg a donné lieu à la notion de « Cyborg culture » qui exprime des idées sur un futur humain technologiquement modifié, un humain qui prend des caractéristiques à la fois animalière et machinique dans le but de réaliser une transformation identitaire surréaliste (4).
Penser philosophiquement le Cyborg (Source : Vicarta Tech)
« Cyborg est aussi – et surtout – une figure philosophique. Cet hybride d’organisme et de machine bouleverse en effet les dichotomies fondamentales de notre pensée : nature/artifice, humain/non-humain nature/culture, masculin/féminin, normal/pathologique, etc. À partir d’une lecture personnelle des travaux de Georges Canguilhem et de Donna Haraway, Thierry Hoquet explore l’énigme de cette figure : Cyborg est-il un instrument susceptible de nous conduire vers une humanité libérée des dualismes, colombe platonicienne rêvant d’un ciel sans air où elle pourrait voler plus librement ? Ou marque-t-il au contraire notre asservissement à un système technique de contrôle et d’oppression, incarnation d’une humanité perdue dans le cliquetis mécanique de l’acier ?Penser philosophiquement Cyborg, c’est réfléchir sur les rapports entre la machine et l’organisme et sur la possibilité de les composer. C’est aussi penser la différence des sexes en lien avec la nature et la technique et, peut-être, ouvrir la voie à une autre manière d’articuler le masculin et le féminin. On l’a compris : Cyborg vient troubler la philosophie – il décrit notre condition et ses insolubles contradictions ». http://www.seuil.com/ouvrage/cyborg-philosophie-thierry-hoquet/9782021025125
Conclusion (Source : http://fullpix.free.fr/site/conclusion.html)
« Un examen précis du concept d’Intelligence Artificielle permet donc de se rendre compte que celle-ci se heurte à certains nombres d’obstacles, évités mais non résolus par Turing, qui utilise pour les contourner des présupposés qui sont loin d’être évidents, voire hautement problématiques, que ce soit sa capacité à être définie hors de l’Homme, son aspect exclusivement mécanique, ou autre… Ainsi une Intelligence Artificielle semble impossible, dans les limites strictes de sa définition selon Turing. Quoiqu’il en soit, si une Intelligence Artificielle n’est pas possible d’un point de vue philosophique, et en se restreignant au cadre très strict de sa définition, il n’en reste pas moins que l’Homme est capable de créer des entités se rapprochant d’une Intelligence, qui en ont l’apparence (par sa puissance de calcul, par sa capacité d’apprentissage, par sa capacité à intégrer de l’aléatoire dans son raisonnement, par toutes les diverses approches envisagées dans notre TPE…), et qui, dans une logique purement pragmatique dont la logique floue se rapproche de plus en plus, sont véritablement un progrès scientifique et technique, et une avancée dans les moyens mis à disposition de l’Homme ».
________________________
Notes :
(1) Alexandre, Laurent (2018). La Guerre des intelligences : comment l’intelligence artificielle va révolutionner l’éducation. Livre de poche, JC Lattès.381 p.(2) Une application informatique de commande vocale qui comprend les instructions verbales données par les utilisateurs et répond à leurs requêtes.
(23) Grenville, Bruce, éd. 2002. The Uncanny: Experiments in Cyborg Culture. Vancouver, B.C: Arsenal Pulp Press.
(4) Clynes, M., and N. Kline. [1960] 1995. “Cyborgs and Space.” In The Cyborg Handbook, ed., C. Gray, 29–34. London: Routledge,
Lectures proposées :
– Blanc, Pierre, Hugues Chevalier, Jean-Pierre Corniou, Vincent Lorphelin, et Michel Volle. 2018. Élucider l’intelligence artificielle.
______________________