Continuité pédagogique & Covid-19

Le confinement général en temps de la pandémie du Covid-19 a fortement bousculé les pratiques pédagogiques basées sur le présentiel et le face à face. Il a surtout mis à nu les défaillances d’un grand nombre de systèmes éducatifs, voire d’enseignants, qui n’ont pas pu prévoir ni anticiper convenablement une stratégie de continuité pédagogique désormais vouée au hasard des circonstances, accentuée par des formes de résistances de la part de beaucoup d’enseignants, tant pour des considérations pédagogiques que d’équité d’accès aux TIC.

La pandémie de COVID-19 met à l’épreuve la résilience de systèmes éducatifs dans le monde entier. Devant les lourdes conséquences que le confinement impose notamment aux populations vulnérables, ainsi qu’aux établissements éducatifs démunis d’infrastructure adéquate pour substituer le présentiel par des moyens d’enseignement à distance, plusieurs et initiatives tant à l’échelle des pays, des régions qu’au niveau international, ont rapidement réagi pour proposer des facilités inhabituelles afin d’empêcher les systèmes éducatifs de s’interrompre. Or, la transition forcée vers l’apprentissage en ligne a été extrêmement brutale pour ceux et celles qui n’en avaient pas l’habitude. Un « marché à ciel ouvert » s’est soudainement ouvert sur les réseaux pour proposer des solutions, des approches, des mécanismes et des ressources palliatifs de tout genre pour venir en aide aux enseignants et aux apprenants tous niveaux confondus dans l’accès et la diffusion des savoirs. C’étaient surtout des solutions technologiques sous forme d’outils grand public et des ressources de contenus mises en accès libre sur les réseaux en guise de matériaux pédagogiques et didactiques que peu d’enseignants avaient l’habitude d’employer dans leurs activités d’enseignement.

Or, ce qui a fait la différence pendant cette crise, c’est le degré de préparation à l’utilisation de ces outils numériques. Pour beaucoup, plutôt que causée par la fracture numérique, c’est la fracture sociale préexistante qui a été mise en cause. En effet, une étude PISA réalisée en France montre que parmi les élèves de 15 ans, 9 sur 10 déclarent disposer d’une connexion Internet et d’un ordinateur à domicile pour effectuer leurs travaux. Il n’y a donc pas de grande fracture en termes d’équipement. Cependant, ceux qui n’ont pas d’ordinateurs se trouvent principalement dans des zones défavorisées. La véritable lacune était donc d’aider les élèves hors classe. Le système éducatif français est d’ailleurs souvent critiqué à ce sujet car, par rapport à d’autres pays, il nécessite une quantité importante de travail en dehors de la salle de classe. L’elearning en France, contrairement à beaucoup d’autre pays comme la Corée du Sud, le Royaume Uni, le Canada ou les USA ou l’Australie, n’as pas encore atteint son âge d’or. On le constate aujourd’hui dans la réticence massive d’enseignants universitaires à la continuité pédagogique par les TIC. On le constate encore plus dans le savoir-faire technologique très limité des enseignants confrontés à l’exigence inéluctable de faire usage des TIC pour assure la continuité pédagogique malgré les mesures exceptionnelles déployées à plusieurs niveaux pour réduire l’impact du confinement.

Covid-19 : des mesures d’exception pour la continuité pédagogique

« A crise exceptionnelle, des mesures exceptionnelles » peut-on dire de la période de confinement durant laquelle des mesures d’exception ont été entreprises, non pas pour l’éducation uniquement, mais pour quasiment tous les secteurs stratégiques de la société. Dans ces mesures, l’accès à distance a été au cœur des services adaptés fournis au public. Télétravail, téléenseignement, téléconsultation médicale, téléachat, etc. ont tous été des solutions de crise destinées à faciliter la continuité des services au citoyen. On pourrait d’ailleurs citer comme exemples un grand nombre de mesures qui sortent de l’habituel, prévus pour la période de confinement du Covid-19. Sur le plan scolaire, par exemple, des éditeurs commerciaux comme la Fnac en France a mis gratuitement en ligne des livres eBook. La plate-forme française Fun Mooc a ouvert au grand public ses archives des cours en lignes. Plusieurs navigateurs Internet proposent des extensions, comme Unpaywall, pour accéder plus facilement à des ressources gratuites sur Internet. Dans le domaine de la culture et des arts, des musées virtuels de renom ont proposé des visites guidées virtuelles gratuites. Des films tombés dans le domaine public sont proposé gratuitement au téléchargement. Des opérateurs de télécommunications ont réduit leurs tarifs d’accès internet, voire les ont rendus momentanément gratuits pour certains publics sensibles comme les élèves, les handicapés et les familles démunies.

La visioconférence, outil privilégié, bien qu’à risque, de la continuité pédagogique

Sans prédisposition à pareille situation de distanciation forcée, la continuité pédagogique ne pouvait avoir lieu dans des temps records sans les solutions déjà existantes, tant celles proposées par les réseaux sociaux que celles des outils courants du télétravail et de la visioconférence. Ces technologies simples et familières dont les applications de visio comme Zoom, Microsft Teams, Hangout, Gotomeeting, Jetsi, Skype, ont été largement déployées dans les établissements éducatifs. Sans la contrainte du confinement du Coronavirus, ces types de déploiements de masse seraient étudiés sur plusieurs mois et déployés de manière beaucoup plus rationnelle et prudente. Mais la propagation exponentielle du virus n’a pas permis des processus typiques d’évaluation des risques informatiques et de vérification des technologies. À ne citer que les failles de sécurité très médiatisées du très populaire Zoom et les incidents ultérieurs qui ont montré comment ces déploiements express, bien que nés de la nécessité, ne sont pas toujours les plus solides en termes de sécurité. Le fait est que ces plates-formes, bien que disponibles, étaient généralement utilisées pour des webinaires un à plusieurs et d’autres types de présentations et n’étaient pas nécessairement conçues pour des réunions d’environnements sensibles et encore moins pour des activités pédagogiques.

Le côté positif d’une pandémie : repenser l’avenir de l’éducation

Ce qui est reconnu unanimement aujourd’hui, c’est que l’enseignement a été perturbé dans quasiment tous les pays du monde. Les prévisions prédisent entre 15% et 25% de baisse des effectifs, selon les régions où des calculs ont été effectués. À titre de rappel, il a fallu deux ans à l’enseignement supérieur pour se remettre de l’impact de l’épidémie du SRAS.

Le Coronavirus a néanmoins mis en lumière des modèles financiers désuets, des procédures d’admission et d’inscription rigides et des taux de progression et d’obtention du diplôme lamentables. Ce constat est porteur de défis et d’enjeux d’avenir majeurs qui devraient être utilisés comme opportunité de relance. Le statu quo pour le système éducatif n’est plus une option. Ce sera une régression et une perte d’opportunité unique pour une remise en question profonde et radicale. Une « nouvelle norme » devra être inventée pour améliorer les systèmes éducatifs qui devrait s’opérer sur plus d’un front : ceux des dispositifs, des contenus mais aussi des modalités pédagogiques d’enseignement et d’apprentissage. Les enseignants devront être formés et qualifiés sur l’usage des nouvelles technologies éducatives, notamment celle de la pédagogie à distance. La technologie devra être à l’avant-garde de la façon dont nous devons faire de l’enseignement hybride et à distance. Les programmes devront être révisés pour mieux s’adapter aux critères de la réutilisabilité, la mutualisation et le partage. Les établissements scolaires devraient reconsidérer leurs offre de formation pour faire en sorte que les salles de classe ne soient plus nécessairement des lieux physiques mais des activités mixtes ou à distance dans lesquelles l’éducation devra être davantage centrée sur l’apprenant plutôt que sur l’enseignant. Les apprenants devraient être encouragés à devenir plus autonomes et plus créatifs dans la recherche de connaissances, et devenir des penseurs critiques dotés des compétences nécessaires qui les prépareraient au futur monde du travail en dehors de la classe.

C’est aussi le moment opportun pour les gouvernements d’investir davantage dans l’éducation et de considérer l’éducation comme un gain économique pour n’importe quel pays. Bref, c’est le moment opportun pour tous les acteurs de l’éducation de se rassembler et de remodeler collectivement le soutien à l’éducation partout dans le monde, particulièrement dans les pays en développement.

Ressources recommandées :

[1]- « #COVID19 : il faut préparer le monde pédagogique post crise », Mission laïque française. https://www.mlfmonde.org/tribunes/covid19-il-faut-preparer-le-monde-pedagogique-post-crise/.
[2]- MENJ, « Coronavirus – COVID-19 : informations et recommandations pour les établissements scolaires, les personnels et les familles », Ministère de l’Education Nationale et de la Jeunesse. https://www.education.gouv.fr/coronavirus-covid-19-informations-et-recommandations-pour-les-etablissements-scolaires-les-274253
[3]- fjarraud, « Covid-19 : Quels impacts pour l’éducation dans le monde ? », Le café pédagogique, mai 15, 2020. http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2020/05/15052020Article637251238070429549.aspx
[4]- J.-F. Cerisier, « Covid-19, ce que la continuité pédagogique nous apprend de l’école », The Conversation, mai 19, 2020. http://theconversation.com/covid-19-ce-que-la-continuite-pedagogique-nous-apprend-de-lecole-138340
[5]- W. made this site, « Project Name », Laboratoire d’Analyse et de Décryptage du Numérique | Mission Société Numérique, mars 20, 2020. https://labo.societenumerique.gouv.fr/2020/03/20/continuite-pedagogique-un-laboratoire-pour-repenser-lecole/

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