Courbe Hype Cycle 2018 de Gartner : nouvelles tendances
Au mois d’août de chaque année, la société de conseil Gartner Inc. publie dans son rapport sur les technologies émergentes de l’année, une courbe (Hype Cycle) qui donne l’état de visibilité et d’impact des technologies recensées. Pour 2018, de nouvelles technologies apparaissent au pied de la courbe, d’autres progressent vers de nouvelles phases qui les conduiront vers la stabilité finale du « plateau de la productivité ». A l’affiche cette année, des véhicules volants autonomes, des biopuces et des chaînes de blocs pour la sécurité des données !
Le Hype Cycle de Gartner est une aide visuelle parfaite pour comprendre la maturité et l’adoption des technologies émergentes et leur état actuel de développement et leurs attentes. En d’autres termes, il se penche sur les tendances technologiques émergentes dans le but d’identifier les technologies qui seront importantes pour les entreprises au cours des cinq à dix prochaines années, et celles qui ne le seront pas.
Source : Gartner, 2018
Faire parler la courbe
Conformément à sa structure à cinq niveaux[i], la courbe donne l’état d’évolution d’un certain nombre de technologies à différents moments de leur vie.
Comme technologies émergentes encore en phase de déclenchement (Déclenchement de l’innovation), il est intéressant de constater des technologies qui vont certainement défrayer la chronique comme les véhicules autonomes volants et la biotechnologie. Mais il reste encore plus de 10 ans avant le développement e la forte adoption de ce genre de produits. La courbe signale des technologies émergentes encore plus poussées comme les plates-formes d’intelligence artificielle conversationnelles, la 5G et l’informatique quantique.
Sur le sommet de la courbe, ce qui se traduit en termes de battage médiatique en « attentes exagérées », la courbe signale notamment les biopuces, les robots mobiles autonomes et les interfaces cerveau-ordinateur qui ont déjà suscité beaucoup de discussions et de spéculations. En revanche, les technologies qui ont déjà atteint le sommet mais qui commencent à faire leur descente vers le « creux de la désillusion » sont notamment l’internet des Objets et les Blockchain. Après quelques années d’attentes des médias intelligents et l’Internet des Objets, il semble qu’il y a moins d’attention et d’intérêt de la part des médias et du public pour ces technologies et la manière dont elles aident un public plus large de consommateurs.
Dans le creux de la désillusion (phase 3 du Hype), le mot « Blockchain » peut bien exciter un acheteur averti, mais peut aussi faire perdre la tête à un consommateur lambda en raison de la complexité de cette technologie et de son modèle opératoire. Selon les analystes de Gartner, la confusion que les Blockchain engendrent pour un public large, signifie que l’attention des médias, de la presse et des consommateurs connaît finalement une diminution importante de ses modes et domaines d’applications. Mais si le Blockchain est au-delà du pic des attentes et se rapproche du creux de la désillusion, les spécialistes de Gartner estiment une échelle de temps de 5 à 10 ans avant que cette technologie entre dans le plateau de la productivité des marchés.
La réalité augmentée, quant à elle, est maintenant au bas du « creux » ce qui n’est pas de nature inquiétante non plus car elle pourrait commencer à faire son entrée dans un troisième stade de développement et de production avec plus de capital-risque. Il faudrait cependant, prévoir encore 5 à 10 ans avant de voir son adoption publique et sa pénétration dans le marché.
Les grandes tendances technologiques en 2018 et leurs formes de réalisation
Cinq tendances majeures dominent le Hype cycle de 2018 comme les décrit Kasey Panetta de Gartner dans le rapport publié en août 2018, à savoir l’intelligence artificielle démocratisée, les écosystèmes numérisés, l’auto-biohacking, des expériences immersives transparentes et une infrastructure ubiquitaire[ii].
Tendance n ° 1 : L’IA démocratisée
Gartner prévoit que l’intelligence artificielle fait partie des technologies qui continueront de gagner en popularité au cours de la prochaine décennie. Elle sera pratiquement partout au cours des dix prochaines années. Cette tendance est rendue possible aux plate-forme de l’IA en tant que service, l’intelligence générale artificielle, la conduite autonome, les véhicules autonomes volants, les robots mobiles autonomes, les plateformes de l’IA conversationnelle, les réseaux de neurones profonds, les robots intelligents et les assistants virtuels.
L’IA, l’une des catégories de technologies les plus perturbatrices, deviendra plus largement disponible grâce au Cloud computing, à l’Open source et à la communauté des « fabricants ». Alors que les premiers utilisateurs bénéficieront de l’évolution continue de la technologie, le changement notable sera sa disponibilité pour les masses. L’intelligence artificielle modifiera la manière dont les organisations innovent et communiquent leurs processus, produits et services. Le taux de déploiement de la technologie de l’intelligence artificielle augmentera au point de devenir largement accessible aux masses au cours des dix prochaines années.
Jeremy Dalton, responsable de la RV/RA chez PwC, estime lui-aussi que « la réalité augmentée devient rapidement une partie par défaut des dispositifs dans nos poches. Google et Apple détiennent la majorité du marché des smartphones et investissent tous deux massivement dans la RA, aidant cette technologie à atteindre le grand public plus rapidement et expliquant sa position plus avancée sur le dernier Hype Cycle … Le business case pour développer d’autres applications de RA continue de croître à mesure que la technologie devient de plus en plus omniprésente. C’est un cercle vertueux : lancer plus d’applications de RA signifie que les gens deviennent plus à l’aise avec ce type de technologie, ce qui continue d’en favoriser l’adoption ». L’IA favorisera particulièrement une communauté de développeurs, de scientifiques et d’architectes et les incitera à créer de nouvelles solutions toujours plus convaincantes basées sur l’IA, comme par exemple des robots intelligents capables de travailler avec des êtres humains. Ces robots intelligents pourraient fournir un service d’étage ou travailler dans des entrepôts. Ils permettront aux organisations d’assister, de remplacer ou de redéployer des travailleurs humains pour des tâches à plus forte valeur ajoutée.
Hype Cycle 2018 prédit à ce sujet une augmentation de la réalité mixte[iii] (RM) qui serait la prochaine évolution de l’interaction entre l’homme, l’informatique et l’environnement. La RM est le mélange du monde physique et du monde numérique, deux réalités qui définissent les extrémités polaires d’un spectre appelé continuum de virtualité.
L’une des principales conclusions de Gartner est que la RM devrait dépasser la réalité virtuelle (RV) et la réalité augmentée (RA) en tant que technologie privilégiée. Également connu sous le nom de réalité hybride, la RM est le mélange de la RA et de la RV, offrant aux utilisateurs la possibilité de basculer entre le contenu virtuel totalement immersif et le contenu numérique augmenté qui se superpose au monde réel.
Pour Gartner, la RA autonome atteindra le creux de la désillusion, ce qui signifie que l’intérêt pour la technologie diminuera d’ici cinq à dix ans. Cependant, la RM restera populaire plus longtemps car elle intègre mieux les objets du monde réel et leurs homologues virtuels. Le cycle de battage médiatique révèle à ce propos que la RM deviendra une technologie d’interface homme-machine largement utilisée dans les années à venir.
L’une des innovations fondées sur la RV est le concept émergent de véhicules volants autonomes, inspiré en quelque sorte des actuels drones de services, et qui ne s’appliquera pas uniquement aux passagers humains, mais pourrait également être utilisé pour transporter de nombreuses autres choses, comme les fournitures médicales, les emballages, la livraison de courses, etc. Les entreprises étudient activement cette technologie comme moyen de livrer des colis le jour même ou d’envoyer régulièrement des fournitures à des sites distants sans pilote. Dans certains cas, les véhicules volants entièrement autonomes seront capables de résoudre plus facilement des problèmes que les véhicules autonomes au sol, car l’espace aérien est hautement contrôlé et il y a moins de variables de circulation et de sécurité liées à l’humain.
Le démonstrateur en grandeur nature du CityAirbus, développé par Airbus Helicopters et Siemens, dispose de 4 places et a effectué son premier décollage en mai 2019 (photo Airbus).
Hype cycle 2018 va en profondeur dans la définition du concept des voitures volantes autonomes en introduisant deux niveaux de conduite autonome : le niveau 4 et le niveau 5. Le niveau de conduite autonome 4 décrit les véhicules pouvant fonctionner sans interaction humaine dans la plupart des conditions et des emplacements- mais pas toutes – et fonctionnera probablement dans des zones confinées. Ce niveau de voiture autonome apparaîtra probablement sur le marché au cours de la prochaine décennie. Le niveau de conduite autonome 5 identifie les véhicules fonctionnant de manière autonome dans toutes les situations et toutes les conditions et contrôleront toutes les tâches. Sans volant, freins ni pédales, ces voitures pourraient devenir un nouvel espace de vie pour les familles, avec des impacts sociétaux de grande portée.
Cette technologie a une possibilité réelle dans la prochaine décennie, mais du moins et de manière réaliste, le monde (et la technologie) ne sont pas tout à fait prêts pour les taxis volants autonomes. Le premier défi consistera à maîtriser la technologie autonome, qui se situe encore dans au moins cinq à dix ans. En revanche, bien qu’il y ait encore des défis réglementaires et sociétaux comme par exemple la localisation des héliports et la prévention des accidents, les véhicules autonomes volants sont l’une des 17 nouvelles technologies intégrées au Hype Cycle de Gartner pour les technologies émergentes en 2018.
Tendance n ° 2 : écosystèmes numérisés
Les technologies émergentes en général nécessiteront le soutien de nouvelles bases techniques et d’écosystèmes plus dynamiques. Ces écosystèmes auront besoin de nouvelles stratégies commerciales et d’une évolution vers des modèles commerciaux basés sur des plates-formes. « Le passage d’une infrastructure technique compartimentée à des plates-formes qui favorisent l’écosystème jette les bases de modèles commerciaux entièrement nouveaux qui font le pont entre les humains et la technologie », explique M. Walker.
Par exemple, la Blockchain pourrait changer la donne pour les responsables de la sécurité des données, car elle pourrait accroître la résilience, la fiabilité, la transparence et la confiance dans les systèmes centralisés. Gartner a regroupé la technologie Blockchain dans le groupe des écosystèmes numérisés où les entreprises s’impliqueront dans des écosystèmes plus dynamiques. Elle affirme que cela exigera de nouvelles stratégies commerciales et de nouveaux modèles commerciaux basés sur des plates-formes. « Le passage d’une infrastructure technique compartimentée à des plateformes favorables à l’écosystème jette les bases de modèles commerciaux entièrement nouveaux qui constituent le pont entre les humains et la technologie », déclare Mike Walker, vice-président de la recherche chez Gartner.
Dans cette tendance également, les jumeaux numériques, représentation virtuelle d’un objet réel. Cela commence à être adopté dans la maintenance, et Gartner estime que des centaines de millions de choses auront des jumeaux numériques d’ici cinq ans.
Source : Digital twin [https://www.entsoe.eu/Technopedia/techsheets/digital-twin]
Tendance n° 3 : auto-Biohacking
Pour Ellen Daniel, journaliste et rapporteur chez le magazine électronique Verdict, le plus troublant pour certains serait la prédiction par Gartner du vrai commencent de l’ère transhumaniste par l’introduction de technologies qui amélioreront l’intellect humain et la physiologie grâce au Biohacking[iv], avec des modifications corporelles comme les interfaces cerveau-ordinateur, les biopuces et les tissus cultivés ou artificiels qui devraient se banaliser dans peu de temps. Bien que des questions demeurent non résolues à propos des conditions dans laquelle la société serait prête à accepter ce type d’applications et les problèmes éthiques qu’elles créent, Gartner prédit qu’elles pourraient devenir la norme dans environ une décennie.
Source : Deositphotos
L’année 2018 n’est que le début d’un âge « transhumaniste » où la popularité et la disponibilité de la biologie du piratage et de « l’extension » des humains vont augmenter. Cela va des diagnostics simples aux implants neuraux et sera soumis à des questions juridiques et sociétales sur l’éthique et l’humanité. Ces biohacks se répartiront en quatre catégories : l’augmentation de la technologie, la nutrigénomique, la biologie expérimentale et le broyage biologique.
Par exemple, les biopuces ont la possibilité de détecter des maladies allant du cancer à la variole avant même que le patient ne développe des symptômes. Ces puces sont fabriquées à partir d’un ensemble de capteurs moléculaires sur la surface de la puce, capables d’analyser des éléments biologiques et des produits chimiques.
Autre nouveauté sous ce chapitre dans le Hype Cycle 2018 est la biotech, la culture artificielle et les muscles inspirés par la biologie. Bien que toujours en cours de développement en laboratoire, cette technologie pourrait éventuellement permettre à la peau et aux tissus de se développer à l’extérieur du robot, ce qui la rend sensible à la pression.
Tendance n ° 4 : expériences immersives en toute transparence
La technologie, telle que celle utilisée dans les espaces de travail intelligents, est de plus en plus centrée sur l’homme, brouillant les frontières entre les personnes, les entreprises et les objets, et étendant et permettant une expérience de vie, de travail et de vie plus intelligente.
Dans un espace de travail intelligent, les tableaux blancs électroniques peuvent mieux capturer les notes de réunion, les capteurs aident à fournir des informations personnalisées en fonction de l’emplacement des employés et les fournitures de bureau peuvent interagir directement avec les plates-formes informatiques.
Source : CGR Cinéma
À la maison, les maisons connectées relieront des appareils, des capteurs, des outils et des plates-formes qui apprennent comment les humains utilisent leur maison. Des systèmes de plus en plus intelligents permettent des expériences contextualisées et personnalisées.
Tendance n ° 5 : Infrastructure ubiquitaire
En général, l’infrastructure n’est plus la clé des objectifs commerciaux stratégiques. L’apparition et la popularité croissante du cloud computing et de l’environnement d’infrastructure toujours disponible et sans limites ont modifié le paysage de l’infrastructure. Ces technologies permettront un nouvel avenir pour les affaires.
Par exemple, l’informatique quantique, avec ses systèmes complexes de qubits et d’algorithmes, peut fonctionner de manière exponentielle plus rapidement que les ordinateurs conventionnels. À l’avenir, cette technologie aura un impact considérable sur l’optimisation, l’apprentissage automatique, le chiffrement, l’analyse et l’analyse d’images. Bien que les ordinateurs quantiques à usage général ne seront probablement jamais réalisés, cette technologie présente un grand potentiel dans des domaines précis et étroits.
Source : Hardwarecooking
Une deuxième nouvelle technologie dans cette tendance est le matériel neuromorphique. Il s’agit de dispositifs à semi-conducteurs inspirés de l’architecture neurobiologique, capables de fournir des performances extrêmes pour des réseaux de neurones profonds, utilisant moins d’énergie et offrant des performances plus rapides que les options classiques.
Notes
- [i] Voir le billet du 1 janvier 2015 « Le rapport annuel des technologies émergentes « Hype Cycle 2014 » ».
- [ii] Kasey Panetta. « 5 Trends Emerge in the Gartner Hype Cycle for Emerging Technologies, 2018« , August 16, 2018.
- [iii] Ellen Daniel, “ Gartner hype cycle 2018 MR AR VR”,
- [iv] Le biohacking est la nouvelle tendance qui touche les personnes, souvent en dehors de la profession médicale, voulant “hacker” leur biologie et atteindre une santé optimale.