Le règne des algorithmes

Depuis l’antiquité, les algorithmes façonnent notre monde et transforment notre mode de vie. Fondés sur la systémique, ils aident l’être humain à rationaliser son comportement social, structurer ses méthodes de travail, organiser et contrôler l’aménagement de son territoire, etc. A l’ère du numérique, les algorithmes gagnent en complexité et en puissance. Conjugués aux exploits de l’intelligence artificielle, les deux technologies augurent d’un monde futur qui repousse aeternum les limites de la fiction.

Très peu s’en rendent compte, mais notre quotidien est de plus en plus chargé d’innombrables règles et mesures de tous genres qui régulent et systématisent aussi bien nos activités sociales, culturelles et économiques que nos mécanismes cognitifs et perceptifs. L’approche systémique a toujours été l’un des fondamentaux de notre quotidien. Joël de Rosnay la définit comme « un ensemble d’éléments en interaction dynamique, organisé en fonction d’un but ». Elle est devenue un besoin de plus en plus intenses dans notre société moderne plus complexe. Elle régule notre mode de vie en communauté et agit sur notre comportement face aux évènements et vis à vis des personnes.

L’Homme préhistorique suivait des règles précises, de nature plus liés à son environnement naturel pour traquer le gibier, cultiver ses récoltes, faire la paix et la guerre. L’Homme moderne établit davantage de règles pour mieux gérer la complexité de son milieu social et de son environnement technique. Ces règles et mesures qu’on qualifie autant par « codes sociaux » ou « codes éthiques », « règles de bonne conduite » ou « modes de comportement » que par « normes », « standards » ou « conventions de bon voisinage ». Ils sont également classés dans la catégorie d’algorithmes, non seulement informatiques ou technologiques comme communément admis, mais aussi de nature culturelle et sociale.

À travers son ouvrage Weapons of Math Destruction, la mathématicienne Cathy O’Neil rappelle à ce propos qu’il ne faut pas perdre de vue que les algorithmes sont des constructions sociales et qu’ils « influencent la façon dont on embauche, le fait que l’on accorde ou pas un crédit à quelqu’un… En résumé, ils influent sur les opportunités que l’on donne aux gens », explique-t-elle. Et de rajouter aussi que « Les algorithmes étant par essence des constructions humaines, les développeurs y implémentent leurs réalités culturelles, leur histoire, leur éducation… Le plus souvent de manière involontaire … Il ne faut jamais perdre de vue qu’une donnée est une construction sociale qui touche à des domaines bien plus larges que la seule programmation informatique, comme par exemple la sociologie ou la philosophie ».

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Depuis l’ère des ordinateurs, nous nous appuyons quelque part sur des fonctionnements techniques avancés. De l’iPod aux superordinateurs, les gens sont maintenant plus avancés pour comprendre et accomplir leur tâche en quelques secondes. Ils aiment profiter de leur travail tout en écoutant de la musique ou en téléchargeant des fichiers vidéo à partir du Web. Mais beaucoup d’entre nous n’ont même pas réalisé le fonctionnement interne des gadgets ou des ordinateurs. Nous nous soucions seulement de l’effet engendré de l’action souhaitée.

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En termes informatiques, un algorithme est une procédure de calcul bien définie qui prend une valeur ou un ensemble de valeurs comme matière de départ et produit à la sortie une valeur ou un ensemble de valeurs ajoutées. En d’autres termes, nous pouvons appeler algorithme tout outil de résolution de problèmes en informatique.

Dans son Que Sais-je ? Les algorithmes, publié en 2002, Patrice Hernert donne la définition suivante : « La notion d’algorithme est aujourd’hui liée à celle d’ordinateur. S’il est vrai que la vitesse de calcul des ordinateurs a été multipliée, très nombreux sont les problèmes calculables qui ne peuvent encore être traités. La jungle de ces problèmes constitue le terrain de chasse des chercheurs en Intelligence artificielle, qui simulent l’intelligence humaine à l’aide de machines dont les capacités demeurent, malgré tout, restreintes. Il n’en reste pas moins que l’ordinateur est un outil formidable permettant d’exécuter les algorithmes à une vitesse plus élevée que ne peut le faire une personne seule ».

Les algorithmes ne sont pas seulement développés pour résoudre des instructions complexes à l’intérieur d’un ordinateur, mais ils peuvent aussi résoudre des programmes / instructions sur le Web. Il y a beaucoup d’exemples du monde réel où nous utilisons des algorithmes pour obtenir le résultat désiré. C’est le cas, par exemple, des moteurs de recherche comme Google qui tourne à base d’algorithmes puissants. Google génère des millions de requêtes de recherche tous les jours, certains sont complexes et d’autres sont de simples requêtes mono-termes. Google gère toutes ces requêtes via des algorithmes tels que les algorithmes d’indexation, les algorithmes de recherche sécurisée, les algorithmes de qualité de site et de classement de page (ranking) et bien d’autres. Tous ces algorithmes contrôlent les critères de recherche des utilisateurs et affichent les résultats en fonction de leurs requêtes. Nous pouvons ainsi dire que « Google est géré par une série d’algorithmes qui contrôlent le comportement et l’utilisation de l’utilisateur ».

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Un autre exemple courant est la transaction d’argent en ligne. C’est devenu le moyen le plus simple et le plus facile pour payer des factures, des achats en grandes surfaces, acheter des accessoires dans des magasins de commerce électronique etc. Or, beaucoup d’entre nous ne savent pas comment notre compte bancaire est débité lors de la transaction. De nombreux fournisseurs de services utilisent une passerelle de paiement sécurisé pour les banques afin de mener à bien toute transaction en toute sécurité. Toutes les principales sociétés émettrices de cartes de crédit, comme Master Card et Visa, conservent en toute sécurité les informations sur les utilisateurs telles que les numéros de carte de crédit, les mots de passe et les relevés bancaires. Tout ce processus est géré en interne par un algorithme complexe pour fournir des services non interrompus aux utilisateurs.

Pour conclure, comme le souligne la chercheuse Antoinette Rouvroy en s’interrogeant sur la place que prennent les algorithmes dans notre société, une forme de « gouvernementalité algorithmique » semble s’installer : « La rationalité algorithmique séduit par son objectivité machinique. Remplaçant la sélectivité et la subjectivité des perceptions, représentations et évaluations humaines par l’immanence, l’objectivité et l’immédiateté des traitements de données automatisés, la nouvelle rationalité algorithmique instaure un régime dans lequel les catégories à travers lesquelles nous percevons le monde n’ont plus besoin d’être construites ni discutées, mais émanent « spontanément» du réel numérisé lui-même ».

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