Les Loci, cet ars memorae

La « méthode des lieux » (Loci) est la plus ancienne des méthodes mnémoniques. C’est à la légende de Simonide de Ceso (556 av. J.-C.) qu’on l’attribue. Elle repose sur l’hypothèse qu’on peut se rappeler facilement des entités mémorisées (objets, évènements, idées) en les liant à des endroits dont on a une bonne connaissance. L’emplacement sert d’indice qui aide à s’en rappeler.

« Loci » est le pluriel de locus, c’est-à-dire l’emplacement ou le lieu. La première considération portée à la nature de la mémoire, dans ses aspects scientifiques et philosophiques, peut être attribuée aux écrits des philosophes et érudits classiques grecs et romains. Les orateurs romains plaçaient mentalement les points clés de leur discours dans des endroits le long d’un parcours familier à travers leurs villes ou leur palais. Cicéron en aurait plus de 300 parcours. Pour se souvenir d’un point clé, ils le représentent par un élément concret et visualisent cet élément en interaction avec un emplacement particulier. Tout en donnant leur discours, ils leur suffit simplement de parcourir mentalement le même chemin à travers leur ville ou palais, et récupérer dans chaque endroit l’élément représentant le point clé sur lequel ils voulaient parler.

La référence initiale à une observation philosophique sur la mémoire est arrivée avec la méthode mnémotechnique des loci inventée pour la première fois par l’orateur grec Simonide de Céos (556-468 avant J.-C.). Simonide avait inventé l’art des loci après avoir échappé à la tragédie d’un tremblement de terre qui avait démoli un bâtiment plein de dignitaires. Ayant quitté les lieux juste avant le séisme, il avait pu identifier les victimes en se rappelant des endroits où ils étaient assis avant la tragédie. L’association entre un lieu et un objet (humain dans ce cas) était la clé qui lui avait permis de développer une cartographie de l’emplacement des individus. Cette association mémorielle a ensuite fondé tout l’art des Loci. De nombreux érudits[1] considèrent l’œuvre de Simonide comme un tournant dans l’histoire de l’art de la mémoire. Elle a engendré un grand changement au sein d’une société hautement organisée et a contribué à la mise en œuvre d’un nouveau système qui transcende la tradition orale.

Dans son DeOratore, écrit en 55 avant notre ère, Cicéron décrit l’évènement tragique censé avoir conduit le poète Simonide à inventer sa méthode. Lui-même utilisait ce procédé en plaçant des objets dans un espace visuel imaginaire comme un moyen de se rappeler son discours. De nombreux auteurs ont repris l’histoire de Simonide et commenté sa méthode.


[1] France Yates dans son magistral ouvrage « histoire de la mémoire » retrace l’histoire de la mémoire artificielle de ce moment originel jusqu’à aujourd’hui. La plupart des autres chercheurs se réfèrent à elle.

 

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