Enseigner autrement !

Le monde de l’éducation ne cesse d’évoluer à un rythme exponentiel qui touche à tous les aspects de l’activité d’enseignement, de formation et d’apprentissage. Dans ce billet, dix formes d’innovations pédagogiques sont reproduites à partir d’un rapport publié en 2015 par l’Open university (UK) et SRI Education (USA).

 Avec l’émergence des technologies numériques, de nouvelles formes d’enseignement, d’apprentissage et de formation sont désormais en constante évolution vers un monde de plus en plus centré sur l’apprenant. Avec le numérique, la pédagogique constructiviste et socioconstructiviste ne font qu’amplifier l’interaction et la collaboration.

Ce billet est fondé sur le quatrième rapport de l’Institut des technologies éducatives de l’Open university (UK) en collaboration avec le Centre des technologies pour l’apprentissage au SRI International (USA). Ce rapport propose dix innovations qui ont le potentiel de provoquer des changements majeurs dans les pratiques éducatives.

1. L’Apprentissage croisé (Crossover Learning)

Ce concept concerne à la base une compréhension globale de l’apprentissage qui relie les contextes d’apprentissage formels et informels. L’apprentissage dans des environnements informels, tels que les musées et les clubs parascolaires, peut relier le contenu éducatif à des questions qui importent aux apprenants dans leur vie de tous les jours. Ces croisements fonctionnent dans les deux sens. L’apprentissage dans les écoles et les collèges peut aussi être enrichi par des expériences de la vie courante. L’apprentissage informel peut être approfondi en ajoutant des questions et des connaissances à partir des cours d’école. Ces expériences liées sont censés susciter davantage d’intérêt et de motivation pour mieux apprendre.

Une méthode efficace consiste à proposer et à discuter une question dans la salle de classe, puis à permettre aux apprenants d’explorer cette question lors d’une visite au musée ou durant une excursion, de recueillir des photos ou des notes en guise de preuve, puis de partager leurs résultats avec le reste de leurs groupes. Ces expériences d’apprentissage croisées exploitent les points forts des deux environnements et fournissent aux apprenants des occasions d’apprentissage authentiques et attrayantes. Puisque l’apprentissage se fait au cours de la vie entière, en s’appuyant sur des expériences à travers plusieurs contextes, l’occasion plus large est de soutenir les apprenants à enregistrer, relier, rappeler et partager leurs divers événements d’apprentissage.

2. Apprendre par l’argumentation (Learning Through Argumentation)

Les élèves peuvent faire progresser leur compréhension de la science et des mathématiques en discutant de manières similaires à celles des scientifiques, des professionnels et des mathématiciens. L’argumentation aide les élèves à faire face à des idées contrastées qui peuvent approfondir leur apprentissage. L’argumentation permet également aux étudiants d’affiner leurs idées en les confrontant à celles des autres. Ils prennent ainsi comment les scientifiques travaillent ensemble pour établir ou réfuter les hypothèses de recherche.

Les enseignants peuvent susciter une discussion significative dans les classes en encourageant les élèves à poser des questions ouvertes, à rétablir les remarques dans un langage plus scientifique et à développer et utiliser des modèles pour construire des explications. Lorsque les élèves discutent de manière scientifique, ils apprennent à se tourner, à écouter activement et à répondre de manière constructive à d’autres. Le perfectionnement professionnel peut aider les enseignants à apprendre ces stratégies et à relever des défis, comme par exemple le fait de partager leur expertise intellectuelle avec les étudiants de façon appropriée.

3. Apprentissage accidentel (Incidental Learning)

L’apprentissage accidentel est un apprentissage non planifié ou involontaire. Il peut se produire pendant la réalisation d’une activité qui n’est apparemment pas liée à ce qui est appris en cours. Les premières recherches sur ce sujet ont porté sur la façon dont les gens apprennent dans leur routine quotidienne sur leur lieu de travail.

Pour beaucoup de gens, les appareils mobiles ont été intégrés dans leur vie quotidienne, offrant de nombreuses possibilités d’un apprentissage accessoire assisté par la technologie. Contrairement à l’éducation formelle, l’apprentissage accessoire n’est pas dirigé par un enseignant et ne suit pas un programme structuré et ne donne lieu à aucune certification formelle. Toutefois, ce type d’apprentissage peut déclencher une autoréflexion qui pourrait être utilisé pour encourager les apprenants à reconsidérer ce qui pourrait être pris pour des fragments isolés d’apprentissage et à les utiliser dans des parcours d’apprentissage plus cohérents et à plus long terme.

4. Apprentissage axé sur le contexte (Context-Based Learning)

Le contexte nous permet d’apprendre de l’expérience. En interprétant de nouvelles informations dans le contexte où et quand elles se produisent et en les reliant à ce que nous savons déjà, nous arrivons à comprendre leurs pertinences et significations. Dans une salle de classe, le contexte est typiquement confiné à un espace fixe et à un temps limité. Au-delà de la salle de classe, l’apprentissage peut provenir d’un contexte enrichi tel que la visite d’un site patrimonial ou d’un musée, ou d’être immergé dans la lecture d’un livre.

Nous avons la possibilité de créer un contexte propre à nous en interagissant avec notre environnement, en tenant des conversations, en prenant des notes ou en modifiant des objets à notre portée. Nous pouvons également comprendre notre contexte en explorant le monde autour de nous tout en étant soutenus par des guides et des instruments de mesure. Il s’ensuit que pour concevoir des sites efficaces pour l’apprentissage, dans les écoles, les musées et les sites Web, il faut une compréhension approfondie de la façon dont le contexte se forme et se façonne par le processus d’apprentissage.

5. Pensée computationnelle (Computational Thinking)

La pensée computationnelle est une approche puissante du raisonnement et de la résolution de problèmes. Il s’agit de décomposer les grands problèmes en petits problèmes, de reconnaître comment ceux-ci se rapportent à des problèmes qui ont été résolus dans le passé, de mettre de côté des détails sans importance (abstraction), d’identifier et de développer les étapes qui seront nécessaires pour atteindre Une solution (algorithmes) et enfin d’affiner ces étapes (débogage). De telles aptitudes à la pensée computationnelle peuvent être précieuses dans de nombreux aspects de la vie, allant de l’écriture d’une recette pour partager un plat préféré avec des amis, à travers la planification d’une fête ou d’une expédition, au déploiement d’une équipe scientifique pour relever un défi difficile comme une épidémie.

L’objectif est d’enseigner aux enfants à structurer les problèmes afin qu’ils puissent être résolus. La pensée computationnelle peut être enseignée dans le cadre des mathématiques, des sciences et de l’art ou dans d’autres contextes. L’objectif n’est pas seulement d’encourager les enfants à être des codeurs informatiques, mais aussi de maîtriser un art de penser qui leur permettra de relever des défis complexes dans tous les aspects de leur vie.

6. Apprendre en faisant de la science avec des laboratoires à distance (Learning By Doing Science with remote labs)

S’engager avec des outils et des pratiques scientifiques authentiques, comme le contrôle d’expériences de laboratoire à distance ou de télescopes, peut renforcer les capacités d’investigation scientifique, améliorer la compréhension conceptuelle et accroître la motivation. L’accès à distance à des équipements spécialisés, développés pour la première fois pour les scientifiques et les étudiants universitaires, s’étend maintenant aux enseignants stagiaires et aux élèves. Un laboratoire à distance comprend généralement un appareil ou un équipement, des bras robotiques pour le faire fonctionner et des caméras qui fournissent des vues des expériences au fur et à mesure qu’elles se déroulent.

Les systèmes de laboratoire à distance peuvent réduire les obstacles à la participation en fournissant des interfaces Web conviviales, du matériel pédagogique et du perfectionnement professionnel des enseignants. Avec un soutien approprié, l’accès aux laboratoires à distance peut approfondir la compréhension pour les enseignants et les étudiants en offrant des enquêtes pratiques et des possibilités d’observation directe qui complètent l’apprentissage des manuels scolaires. L’accès aux laboratoires éloignés peut également apporter de telles expériences dans une classe. Par exemple, les élèves peuvent utiliser un télescope distant de haute qualité pour faire des observations du ciel nocturne pendant les cours de sciences de jour.

7. Apprentissage incorporé (Embodied Learning)

L’apprentissage incorporé implique la conscience de l’apprenant que son corps interagit avec un monde réel ou simulé pour soutenir le processus d’apprentissage. Lors de l’apprentissage d’un nouveau sport par exemple, le mouvement physique est une partie évidente du processus d’apprentissage. Dans l’apprentissage incorporé, le but est que l’esprit et le corps travaillent ensemble de sorte que la rétroaction physique et les actions renforcent le processus d’apprentissage.

La technologie utilisée dans ce genre de situation comprend des capteurs portables qui rassemblent des données physiques et biologiques personnelles, des systèmes visuels qui suivent le mouvement et des appareils mobiles qui répondent à des actions telles que l’inclinaison et le mouvement. Cette approche peut être appliquée à l’exploration de certains aspects des sciences physiques tels que le frottement, l’accélération et la force, ou pour étudier des situations simulées telles que la structure des molécules.

Pour un apprentissage plus général, le processus d’action physique fournit un moyen de renforcer chez les apprenants la sensation qu’ils sont en train d’apprendre. Le fait d’être plus conscient de la façon dont son corps interagit avec le monde environnant peut soutenir le développement d’une approche consciente de l’apprentissage et de son bien-être.

8. Enseignement adapté (Adaptive Teaching)

Tous les apprenants sont différents. Cependant, la plupart des présentations éducatives et des matériaux sont les mêmes pour tous. Cela crée un problème d’apprentissage, en mettant un fardeau sur l’apprenant pour qu’il trouve comment mieux s’adapter au contenu. Cela signifie que certains apprenants s’ennuieront, d’autres seront perdus, et très peu sont susceptibles de trouver leurs chemins à travers le contenu et d’aboutir à un apprentissage optimal. L’enseignement adaptatif offre une solution à ce problème. Il utilise des données sur l’apprentissage antérieur et actuel d’un apprenant pour créer un chemin personnalisé à travers le contenu éducatif.

Les systèmes d’enseignement adaptatifs recommandent les meilleurs endroits pour commencer le nouveau contenu et le meilleur moment pour passer en revue le contenu ancien. Ils fournissent également divers outils pour surveiller les progrès. Ils s’appuient sur des pratiques d’apprentissage de longue date, comme la lecture de manuels, et ajoutent une couche de soutien guidé par ordinateur. Des données telles que le temps passé à lire et les notes d’auto-évaluation peuvent constituer une base pour guider chaque apprenant à travers le matériel éducatif. L’enseignement adaptatif peut être appliqué à des activités en classe ou dans des environnements en ligne où les apprenants contrôlent leur propre rythme d’étude.

9. Analyses des émotions (Analytics Of Emotions)

Les méthodes automatisées de suivi oculaire et de reconnaissance faciale peuvent analyser comment les élèves apprennent, puis répondre différemment à leurs états émotionnels et cognitifs. Les aspects cognitifs typiques de l’apprentissage incluent si les élèves ont répondu à une question et comment ils expliquent leurs connaissances. Les aspects non cognitifs comprennent si un élève est frustré, confus ou distrait.

Plus généralement, les élèves ont des modes de pensées (des esprits fixes ou malléables), des stratégies (telles que la réflexion sur l’apprentissage, la recherche d’aide et la planification de l’apprentissage), et des niveaux d’engagement (comme la ténacité) qui affectent profondément comment ils apprennent. Pour l’enseignement en classe, une approche prometteuse est de combiner les systèmes informatiques pour le tutorat cognitif avec l’expertise des enseignants humains pour répondre aux émotions et aux dispositions des élèves, afin que l’enseignement puisse être plus sensible à tous les traits de caractère de l’apprenant.

10. L’évaluation furtive (Stealth Assessment)

La collecte automatique de données qui se passe en arrière-plan, lorsque les étudiants travaillent avec des environnements numériques, peut être appliquée à l’évaluation discrète ou « furtive » des processus d’apprentissage. L’évaluation furtive emprunte des techniques à partir de jeux de rôle en ligne tels que World of Warcraft, dans lequel le système collecte continuellement des données sur les actions des joueurs, en faisant des inférences sur leurs objectifs et stratégies afin de présenter de nouveaux défis appropriés. Cette idée d’intégrer l’évaluation dans un environnement d’apprentissage simulé est maintenant étendue aux écoles, aux sujets tels que la science et l’histoire, ainsi qu’à l’éducation des adultes.

L’affirmation est que l’évaluation furtive peut tester des aspects difficiles d’apprentissage comme la persévérance, la créativité et la pensée stratégique. Il peut aussi recueillir des informations sur les états et processus d’apprentissage des élèves sans leur demander de s’arrêter et de passer un examen. En principe, les techniques d’évaluation furtive pourraient fournir aux enseignants des données continues sur la façon dont chaque apprenant progresse.

Cependant, beaucoup de recherches restent à faire, à la fois pour identifier les mesures du processus d’apprentissage des élèves qui prédisent les résultats d’apprentissage pour les différents systèmes d’apprentissage et pour comprendre la quantité et le format des données d’apprentissage des élèves qui sont utiles aux enseignants. Des inquiétudes ont été soulevées au sujet de la collecte de vastes quantités de données d’apprentissage des élèves et de l’éthique de l’utilisation des ordinateurs pour surveiller chaque action d’une personne.

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(*) : Sharples, M., Adams, A., Alozie, N., Ferguson, R., FitzGerald, E., Gaved, M., McAndrew, P., Means, B., Remold, J.,Rienties, B., Roschelle, J., Vogt, K., Whitelock, D. & Yarnall, L. (2015). Innovating Pedagogy 2015: Open University Innovation Report 4. Milton Keynes: The Open University. ISBN 978-1-4730-2017-7

 

 

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