Des Big data aux Thick Data
Les Thick data (données épaisses) se substituent peu à peu aux Big data (données volumineuses). Il s’agit de données qui vont au-delà des statistiques quantitatives pour toucher les aspects qualitatifs de l’expérience et du comportement humain. Les données épaisses viennent combler l’écart entre ce dont disposent les organisations, et ce dont elles ont besoin pour connaître systématiquement et comprendre réellement comment les clients se sentent et expriment leurs émotions qui sous-tendent leurs choix, expériences et degrés de satisfaction.
Les données épaisses (Thick Data) constituent une nouvelle notion liée aux données qualitatives du comportement et de l’expérience humaine, particulièrement quand cette expérience et ce comportement sont utilisés comme cadre d’analyse de données volumineuses (Big data). Cette notion s’inscrira lourdement dans le courant de pensée de l’humanisme numérique puisqu’elle pousse les limites de la recherche et de l’usage intelligent des données au-delà des limites des Big Data. Il est force de constater, en effet, que notre industrie connaît désormais un changement dans la façon dont l’information est utilisée pour la prise de décisions. Même si on continue à considérer ce changement sous l’angle des Big Data, une bonne partie de chercheurs croient que cette nouvelle science de l’analyse qualitative et comportementale à travers les données n’est qu’à ses débuts. Pour certains, on pourrait même croire que les secteurs de l’assurance et des services financiers ont été fondées (sinon se prêtent fortement) sur la collecte des données épaisses qui leurs fournissent des analyses prédictives pour l’orientation stratégique de leurs politiques de marché.
Au fond, les données épaisses renvoient tout simplement à l’idée que les statistiques issues des Big Data et des Data Analytics, ne suffisent pas à elles-seules pour mieux comprendre le contexte dans lequel les données sont produites comme par exemple l’émotion humaine, chose à laquelle on pense rarement dans l’analyse des données.
L’idée princeps derrière les données épaisses est qu’on ne peut toujours dépendre des chiffres et des nombres données par les algorithmes de calcul pour résumer l’éventail très large des expériences des producteurs de traces et de données non structurées, ou de toutes autres activités humaines dans lesquelles peuvent entrer des facteurs imprévisibles.
Les Big Data ont été médiatisées au cours des cinq dernières années plus que la plupart de tous les autres sujets d’actualité. Ce qu’on connait des Big Data, c’est qu’elles sont livrées avec une vitesse inédite jamais constatée auparavant. Elles comprennent des ensembles de données issues de tous les secteurs d’activités économiques ou sociales comme les programmes de fidélisation de la clientèle, les centres de service à la clientèle, les transactions en ligne, l’assistance sociale, etc. La promesse des Big Data était d’offrir la possibilité de mieux comprendre et d’anticiper le comportement des consommateurs et de le transformer en avantage concurrentiel.
De plus en plus d’entreprises et d’organisations trouvent que les Big Data n’ont pas données le meilleur de ce qu’on pourrait en tirer. En raison de la taille et du volume des ensembles de données, en grande partie structurées et quantitatives, qui composent les Big Data, celles-ci peuvent certes aider à comprendre les nouvelles tendances, les comportements et les préférences des clients et consommateurs, mais en tant que données quantitatives, elles laissent encore l’organisation dépourvue de toute connaissance de la raison pour laquelle les clients et les consommateurs font leurs choix. C’est justement là où les données épaisses viennent combler l’écart entre ce dont disposent les organisations, et ce dont elles ont besoin pour connaître systématiquement et comprendre réellement comment les clients se sentent et expriment leurs émotions qui sous-tendent leurs choix, expériences et degrés de satisfaction. Rappelons que depuis toujours, les designers ont souvent travaillé avec des données épaisses pour la création de produits et de services centrés sur l’humain. Il est temps désormais pour les commerçants de prendre exemple dans ces pratiques de designers pour être plus « humains », plus émotionnels et empathiques dans leurs approches d’étude de marché. Choisir la voie des données épaisses permet aux entreprises de développer des relations positives réelles avec les gens et arrêter de penser à eux en termes de chiffres d’affaire. Ceci permettrait de découvrir le cadre de leurs vies complexes qui, comme on le sait bien, joue un rôle important dans la détermination des choix de ce qu’ils font et pourquoi ils le font. Prenons par exemple le cas trivial d’acheter une nouvelle voiture. Il s’agit d’un processus long qui implique la recherche de sources d’information mais surtout l’interaction avec de nombreuses sources de conseils, en ligne et hors ligne. Beaucoup d’acteurs peuvent influencer cette prise de décision comme les amis et la famille. La publicité et bien évidemment les services commerciaux des concessionnaires de voitures devraient trouver dans l’analyse de ces sources d’influence les indicateurs de comportements nécessaires pour ne pas manquer leurs cibles.
En exploitant les techniques et les outils de recherche qualitative, toute entreprise pourrait dès lors construire une empathie organisationnelle envers ses clients. Elle commencerait à penser comme eux, à sympathiser avec eux et à être en mesure de transformer ces relations en modèles de gestion de clientèle qui permettraient d’adapter les produits et les services aux profils des clients. La notion de données épaisses doit être intégrée dans le fonctionnement de l’organisation. Ceci est d’autant plus important et doit être examiné avec une attention particulière en utilisant des programmes de rapprochement avec les clients, en organisant par exemple, de façon régulière des rencontres avec les gens afin de partager et de comprendre leurs problèmes.
En définitive, les Big Data sont là et elles continueront à nous procurer les avantages pour continuer à en faire usage, mais ce n’est qu’un maillon dans une longue chaine de transformations sociétales qui caractérise notre société de consommation. Les données épaisses constituent un autre chainon plus évolué d’une chaine dont on ne verra sans doute jamais le bout.
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