Creative Commons

Creative Commons (CC) est le sigle d’une organisation à but non lucratif d’envergure internationale qui fournit aux créateurs six types de licences gratuites à utiliser pour rendre leurs travaux accessibles au public. Ces licences portant le même nom aident le créateur à autoriser d’autres personnes à utiliser l’œuvre sous certaines conditions. Les CC s’opposent en cela au Copyright © qui met des interdits sur l’utilisation du travail d’autrui sans autorisation préalable.

Remontée aux sources

Les Creative Commons sont une ramification de l’histoire du droit d’auteur qui a été promulgué pour la première fois en Angleterre en 1710 sous le nom de « Statut d’Anne », une loi du parlement britannique portant le nom de la reine de l’époque qui introduit pour la première fois le concept d’auteur d’une œuvre et de ses droits de propriété inaliénable (Deazley, 2006, p. 13). Par définition le droit d’auteur (Copyright) accorde un ensemble de droits exclusifs à un créateur afin que celui-ci puisse empêcher d’autres personnes de copier et d’adapter son travail pendant une durée limitée. En d’autres termes, la loi sur le droit d’auteur régit strictement les personnes autorisées à copier et à partager une œuvre de l’esprit. Avec l’avènement de l’Internet, il y a eu à une échelle sans précédent plus de possibilités d’accéder, de partager et de collaborer à des créations humaines, toutes régies par le droit d’auteur. Les capacités de partage, rendues possibles par la technologie numérique, se sont dès lors trouvées en contradiction avec les restrictions de partage inscrites dans les lois sur le droit d’auteur du monde entier. Les licences Creative Commons ont été ainsi créées pour aider à réduire la tension entre la capacité du créateur de partager des œuvres numériques à l’échelle mondiale et la réglementation en matière de droit d’auteur. En fait, l’idée princeps des CC est que si certaines personnes souhaitent réserver tous leurs droits, beaucoup d’autres souhaitent en revanche partager leur travail avec le public de façon plus libre. L’idée sous-jacente aux licences CC était alors de créer un moyen simple pour les créateurs qui souhaitaient partager leurs œuvres d’une manière compatible avec la législation sur le droit d’auteur.

L’idée de CC a été émise par Lawrence Lessig, professeur de droit à Stanford, qui était convaincu par la fait de rendre plus créatives les œuvres librement disponibles sur Internet et de répondre à la communauté grandissante de blogueurs qui créaient, remixaient et partageaient du contenu (Shut, 2006). Avec un groupe de gens mobilisés pour la cause du libre partage, ils ont créé une organisation à but non lucratif appelée Creative Commons. En 2002, ils ont publié les licences Creative Commons – un ensemble de licences publiques gratuites qui permettraient aux créateurs de conserver leurs droits d’auteur tout en partageant leurs œuvres selon des règles établies (Aigrain, 2007).

Le principe des licences CC est ainsi de permettre à tout créateur de travail de l’esprit de choisir comment il souhaite que d’autres utilisent son œuvre. Lorsqu’un créateur publie son travail sous une licence CC, le public sait ce qu’il peut et ne peut pas faire avec ce travail. Cela signifie qu’il n’a besoin de demander la permission du créateur que lorsqu’il souhaite utiliser l’œuvre de manière non autorisée par la licence.

Les CC s’articulent autour de quatre niveaux de libertés et de restrictions pouvant être croisées en six combinaisons (UQAM, 2016) :

Source : UQAM

Quatre niveaux de droit :

  1. Attribution (BY) – Tous les droits sont abandonnés excepté la propriété intellectuelle (citation du nom d’Auteur)
  2. Restriction commerciale (NC : non Commercial) – L’œuvre ou partie(s) de l’œuvre ne peu(ven)t être utilisé(es) à des fins à but lucratif
  3. Pas de produits dérivés (ND : non Derivative) – L’auteur interdit la création de produits dérivés à partir de son œuvre
  4. Obligation de partage à l’identique (SA : Share Alike) – L’auteur autorise tous les droits d’usage à condition que les produits dérivés soient distribués sous une licence identique à celle de l’original

Six combinaisons possibles

Ces quatre niveaux d’autorisations/restrictions sont articulés en six formes de combinaisons que l’auteur utilise à sa convenance pour décider du niveau de liberté octroyé à l’usage de son œuvre. Ces six combinaisons vont d’un niveau de liberté le plus ouvert (frôlant les limites du domaine public) à un niveau le plus restrictif (frôlant les limites du copyright) :

1- Attribution : CC BY

Cette licence permet aux autres de distribuer, de remixer, d’adapter et de s’appuyer sur une œuvre, même d’un point de vue commercial, tant qu’ils attribuent à l’auteur la création originale. Il s’agit de la licence la plus accommodante offerte, recommandée pour une diffusion et une utilisation maximales du matériel sous licence.

2- Attribution – Partage dans les mêmes conditions : CC BY-SA

Cette licence permet aux autres de remixer, d’adapter et de s’appuyer sur une oeuvre, même à des fins commerciales, tant qu’ils créditent l’auteur et octroient des licences selon les mêmes conditions pour leurs nouvelles créations. Cette licence est souvent comparée aux licences de logiciels libres et open source « copyleft ». Toutes les nouvelles œuvres basées sur l’œuvre originale porteront la même licence, donc tout dérivé permettra également une utilisation commerciale. À titre de référence, il s’agit de la licence utilisée par Wikipédia, et donc recommandée pour les documents qui intègrent du contenu de Wikipédia et des projets sous licence similaire.

3- Attribution – Pas de Modification : CC BY-ND

Cette licence permet à d’autres de réutiliser à toutes fins, y compris des fins commerciales, une œuvre originale. Cependant, l’œuvre originale ne peut pas être partagée avec d’autres sous une forme adaptée. Un crédit doit être également fourni à l’auteur.

4- Attribution – Pas d’Utilisation Commerciale : CC BY-NC

Cette licence permet aux autres de remixer, d’adapter et de s’appuyer sur un travail à des fins non commerciales. Bien que leurs nouvelles œuvres doivent également reconnaître l’auteur et être non commerciales, elles n’ont pas à concéder sous licence leurs œuvres dérivées aux mêmes conditions.

5- Attribution – Pas d’Utilisation Commerciale – Partage dans les Mêmes Conditions : CC BY-NC-SA

Cette licence permet aux autres de remixer, d’adapter et de s’appuyer sur un travail original à des fins non commerciales, tant qu’ils créditent l’auteur et accordent les mêmes licences pour leurs nouvelles créations.

6- Attribution – Pas d’Utilisation Commerciale – Pas de Modification : CC BY-NC-ND

Cette licence est la plus restrictive des six licences CC, n’autorisant les autres qu’à télécharger les œuvres originales et à les partager en citant le nom de l’auteur. En outre, on ne peut les modifier de quelque façon que ce soit ni les utiliser à des fins commerciales.

Critiques de la culture d’usage des droit d’auteurs et des CC

Dès le début, les licences Creative Commons étaient destinées à être utilisées par des créateurs du monde entier. Les fondateurs de CC étaient initialement motivés par une loi américaine sur le droit d’auteur, mais des lois restrictives similaires dans le monde entier limitaient l’utilisation d’une culture partagée et de connaissances collectives, alors même que les technologies numériques et Internet ouvraient de nouvelles méthodes de participation dans la culture et la production de connaissances mondiales.

Depuis la création de Creative Commons, beaucoup de choses ont changé dans la façon dont les gens partagent et dont Internet fonctionne. Dans de nombreux endroits du monde, les restrictions sur l’utilisation d’œuvres créatives se sont multipliées. Pourtant, le partage et le remixage sont la norme en ligne. À n’en pende comme exemples que les partages outre-mesure des images et vidéos sur les réseaux sociaux ou encore la réutilisation de citations et extraits de textes sans réserve dans les publications dites littérature grise. Dans le domaine de la recherche scientifique, la situation est encore plus complexe une fois associée aux questions de plagia et de citation.

D’abord, la notion du droit d’auteur, pourtant bien connue par la quasi-totalité des producteurs de ressources, n’est souvent pas entièrement intégrée dans leurs pratiques de productions intellectuelles et scientifiques. On le note bien dans les travaux des jeunes chercheurs (i.e. doctorants) pour qui la citation et le référencement sont encore objets de doute et d’incohérence. Par excès de précaution et volonté de vouloir si bien respecter la déontologie d’usage, certains font de la citation à outrance y compris pour des banalités. D’autres négligent souvent cette pratique, par ignorance ou par inconsistance dans leurs méthodes, et tombent facilement dans le piège du plagiat primaire.

Bref, les règles restrictives du droit d’auteur continueraient d’empêcher la création, l’accès et le remixage des œuvres. Les licences CC aident éventuellement à résoudre ce problème. On dit bien éventuellement, car en dépit de leur marge de liberté apportée aux utilisateurs, les licences CC sont encore mal comprises par une grande majorité d’utilisateurs outre le fait qu’elles présentent des niveaux de complexité difficile à appréhender par le commun des usagers. L’un des foyers de complexité des CC est sans doute le remixage lorsqu’il est soumis à des licences CC de différents niveaux. Le remixage (ou adaptation) est le mélange d’un matériel provenant de différentes sources pour créer une œuvre entièrement nouvelle (Sornum, 2010). Or, créer une œuvre fondée sur des ressources ouvertes soumises à différentes licences ouvertes constitue un casse-tête même pour les vertueux des CC (Oddone, 2016).

Dans un travail de remixage, il n’est pas toujours facile de dire où se termine une œuvre ouverte et où commence une autre. Bien que cette flexibilité soit utile pour tout créateur, il est toujours important de fournir une attribution aux parties individuelles qui ont servi à faire le remixage. Un exemple d’adaptation serait le chapitre d’un manuel scolaire qui combine plusieurs ressources éducatives ouvertes de telle manière que le lecteur ne puisse pas savoir quelle ressource a été utilisée sur quelle page. Cela dit, les notes de fin du chapitre du livre devraient toujours fournir une attribution à toutes les sources qui ont été remixées dans le chapitre.

Il est évident, que lors de la création d’une adaptation/remixage d’un travail sous licence CC, le scénario le plus simple consiste à prendre un seul travail sous licence CC et à l’adapter. En revanche, le scénario le plus compliqué est le remixage de deux ou plusieurs œuvres sous licence CC et leur adaptation dans une nouvelle œuvre. Dans les deux cas de figure, il est nécessaire de considérer les options disponibles pour l’octroi de licences sur le droit d’auteur pour l’oeuvre produite. C’est ce qu’on appelle la « licence de l’adaptateur » dans laquelle les droits d’adaptation ne s’appliquent qu’aux contributions propres de l’adaptateur. La licence d’origine continue de régir la réutilisation des éléments de l’œuvre originale utilisée lors de la création de l’adaptation.

Le tableau ci-dessous montre quel matériel sous licence CC peut être remixé. Pour utiliser le graphique, recherchez une licence dans la colonne de gauche et dans la ligne supérieure droite. S’il y a une coche dans la case où cette ligne et cette colonne se croisent, alors les œuvres peuvent être remixées. S’il y a un « X » dans la boîte, alors les œuvres ne peuvent pas être remixées à moins qu’une exception ou limitation ne s’applique.

Source : Creative Commons, 2019

Pour davantage de détail sur les modalités de remixage définies par CC, la FAQ des Creatives comons en donne d’amples explications (« Frequently Asked Questions—Creative Commons », 2019).

En définitive, les CC apportent un large niveau de souplesse à l’usage des ressources originales, mais elles gardent toutefois un niveau de limitation et de complexité qui, dans sa combinaison la plus restrictive (CC-BY-NC-ND) ne diffère pas beaucoup des contraintes du droit d’auteur. D’ailleurs, tous les niveaux du CC rendent difficile une finalité largement convoitée de faire entrer les œuvres de l’esprit dans le « domaine public », un niveau zéro droits de Creative Commons (CC0). Par « domaine public » il est fait référence aux matériaux créatifs qui ne sont pas protégés par les lois sur la propriété intellectuelle telles que les lois sur les droits d’auteur, les marques ou les brevets. Le public est propriétaire de ces œuvres, et non un auteur ou un artiste individuel. N’importe qui peut dès lors utiliser une œuvre du domaine public sans obtenir d’autorisation, mais personne ne peut jamais la posséder.

Creative Commons & « Domaine public » (CC0)

Contrairement aux licences de CC qui permettent aux titulaires de droits d’auteur de choisir parmi une gamme d’autorisations tout en conservant leurs droits d’auteur, le domaine public, symbolisé par « CC0 » offre un tout autre choix : le choix de se retirer des droits exclusifs automatiquement accordés aux créateurs, en d’autres termes le « aucun droit réservé » (Creative Commons, s. d.).

CC0 permet en effet aux scientifiques, éducateurs, artistes et autres créateurs et propriétaires de contenu protégé par le droit d’auteur de renoncer à ces intérêts dans leurs œuvres et de les placer ainsi le plus complètement possible dans le domaine public, afin que d’autres puissent librement améliorer et réutiliser les œuvres à toutes fins sans restriction en vertu du droit d’auteur.

Or, contrairement à ce qu’il parait, il n’est pas si simple de faire passer des œuvres dans domaine public. De nombreux systèmes juridiques interdisent effectivement toute tentative de céder des droits automatiquement conférés par la loi, en particulier des droits moraux. Même lorsque l’auteur qui souhaite le faire est bien informé et résolu à apporter son travail au domaine public, il est automatiquement soumis à une législation générale qui, dans une juridiction particulière, fait valoir systématiquement les droits moraux. De nombreux systèmes juridiques interdisent effectivement toute tentative par les propriétaires à renoncer à des droits conférés automatiquement par la loi, en particulier des droits moraux, même lorsque l’auteur qui le souhaite est bien informé et certain de sa démarche. C’est le cas en France où le droit d’auteur se décompose en deux volets : le droit patrimonial et le droit moral. Ce droit moral stipule que « l’auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son œuvre ». Or, les droits moraux sont inaliénables, ce qui implique entre autre que le possesseur de ces droits lui-même ne peut y renoncer !

En définitive, beaucoup de critiques relativisent l’aspect de liberté véhiculé par les CC. Tout en étant fragmentées, les licences CC ne définissent aucun standard minimum commun de libertés et de droits accordés à l’utilisateur. Elles sont même incapables de respecter les critères des licences libres. Enfin, contrairement aux mouvements du logiciel libre et de l’Open Source, la licence CC a fait sienne une philosophie prônant le droit propriétaire et le copyright plutôt que le transfert de ces droits au public.

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Sources utilisées

  • Aigrain, P. (2007, mars 29). Histoire et développement des Creative Commons – Communs / Commons. Consulté 23 décembre 2019, à l’adresse https://paigrain.debatpublic.net/?p=87

  • Creative Commons. (s. d.). CC0 : No Rights Reserved. Consulté 23 décembre 2019, à l’adresse Creative Commons website: https://creativecommons.org/share-your-work/public-domain/cc0/

  • Deazley, R. (2006). Rethinking Copyright : History, Theory, Language. Edward Elgar Publishing.

  • Oddone. (2016, mars 13). Remix, Reuse and Re-energise using Creative Commons and Open Education Resources. Consulté 23 décembre 2019, à l’adresse Linking Learning website: http://www.linkinglearning.com.au/remix-reuse-and-re-energise-using-creative-commons-and-open-education-resources/

  • Shut, O. &. (2006, avril 7). Open and Shut? : Interview with Lawrence Lessig. Consulté 23 décembre 2019, à l’adresse Open and Shut? website: https://poynder.blogspot.com/2006/04/interview-with-lawrence-lessig.html

  • Sornum, K. (2010). Creative Commons. GRIN Verlag.

  • UQAM. (2016). Creative Commons | Droit d’auteur | UQAM. Consulté 23 décembre 2019, à l’adresse http://www.droit-auteur.uqam.ca/creative-commons/

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